LA PUBLICATION EN 2009 d’une étude épidémiologique suggérant une augmentation des cancers sous insuline glargine (Hemkens LG, et al. Diabetologia 2009;52:1732-44), a suscité de nombreux débats. D’une part, les résultats de cette enquête sont-ils valides ? D’autre part, existe-t-il une relation de causalité entre diabète et cancer ?
L’étude qui a généré la controverse.
Pour John M. Lachin (Rockville), l’étude allemande de Hemskens à l’origine de la controverse contient de nombreux biais. Selon lui, de nombreux facteurs n’ont pas été pris en compte dans cette étude observationnelle sur plus de 127 000 patients qui a comparé l’incidence du cancer chez les patients recevant, soit de l’insuline humaine, soit de l’insuline glargine : le type de diabète, l’ancienneté de celui-ci, le niveau de contrôle glycémique, l’indice de masse corporelle (IMC) et le type de cancer. Par ailleurs, il existe une très grande différence de doses entre les deux groupes de patients (14 % des patients sous insuline glargine contre 50 % des patients sous insuline humaine avaient des doses supérieures à 40 UI). Le contrôle glycémique étant obtenu avec le même niveau de doses pour les deux insulines, cette différence s’explique vraisemblablement par des caractéristiques différentes des patients qui pourraient jouer un rôle dans les conclusions de l’étude. L’ensemble de ces considérations amène John Lachin à conclure à l’absence de preuves démontrant une relation particulière entre insuline glargine et cancer. Cette conclusion est aussi celle d’études observationnelles réalisées à partir de bases de données anglaises, écossaises et suédoises.
Une relation entre diabète et cancer n’est pas exclue.
En effet, ces deux pathologies sont fréquentes chez le sujet âgé et ont une prévalence en augmentation. Les études épidémiologiques ont mis en évidence qu’un certain nombre de cancers sont plus fréquents chez les diabétiques que chez les non-diabétiques. D’ailleurs, le cancer est la deuxième cause de mortalité chez les diabétiques de type 2 après les maladies cardio-vasculaires, rappelle le Pr Jeffrey Johnson (Canada). Si un lien entre diabète et cancer est vraisemblable, la nature de cette relation est difficile à cerner. Et cela d’autant plus que ces deux pathologies partagent certains facteurs de risque et qu’il s’agit de pathologies chroniques, évolutives et qui sont traitées par plusieurs types de médicaments. Les altérations biologiques survenant dans le diabète pourraient-elles influencer le processus néoplasique ? Les traitements du diabète ont-ils un rôle spécifique ?
Le consensus diabète et cancer.
La relation entre diabète, cancer et insuline a généré un tel nombre de débats entre experts d’horizons différents : diabétologues, oncologues et épidémiologistes qu’une réunion de consensus s’est tenue à Atlanta en décembre 2009 sous les auspices de l’ADA. Elle a donné lieu à un rapport de consensus qui vient d’être publié (Diabetes Care 2010 ; 33(7):1674-85).
Jay Skyler (Miami) a évoqué les conclusions auxquelles ont abouti les experts :
– le diabète est associé à un risque accru de différents cancers dont le cancer du sein postménopausique, le cancer colorectal et les cancers de l’utérus, du foie, du pancréas et de la vessie. Ces associations sont indépendantes de l’IMC. La mortalité est plus élevée chez les patients diabétiques qui développent un cancer que chez les non-diabétiques ;
– la relation entre cancer et diabète est complexe. D’une part ces deux pathologies partagent des facteurs de risque communs : âge, obésité, habitudes alimentaires et inactivité physique. D’autre part, des mécanismes plus directs comme l’hyperinsulinémie, l’hyperglycémie et l’inflammation pourraient intervenir. L’hyperinsulinémie endogène et l’inter-relation entre les récepteurs de l’insuline et ceux de l’IGF1 (insulin-like growth factor 1) semblent jouer un rôle important dans l’oncogénèse ;
– la relation entre les traitements antidiabétiques et le cancer reste imprécise. S’il semble indéniable que la metformine est associée à un risque de cancer plus faible et l’insuline à un risque plus fort, il n’est pas démontré que l’insuline glargine soit associée à un risque de cancer plus élevé que les autres insulines. Il faut aussi tenir compte du fait que la metformine est prescrite en début de traitement chez des diabétiques peu sévères, ce qui n’est pas le cas de l’insuline ;
– à ce jour, le risque de cancer ne paraît pas devoir influencer le choix d’un traitement antidiabétique, sauf chez les sujets qui ont un risque très élevé de cancer ou de récurrence de cancer. En revanche, les diabétiques doivent être encouragés à faire des examens de dépistage du cancer comme tous les patients de leur âge et de leur sexe. Un régime alimentaire approprié, une activité physique régulière et le contrôle du poids réduisent le risque et améliorent l’évolution du diabète de type 2 ainsi que de certains cancers. Ils doivent être systématiquement préconisés.
Session « Controversies relating cancer with diabetes, obesity and insulin » présidée par David M. Harlan (NIH Bethesda, États-Unis) et Irl B Hirsch (Seattle, États-Unis)
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