Existe-t-il un risque cardiovasculaire (CV) spécifique lié l’amplitude des excursions glycémiques post-prandiales, en plus du risque propre aux états dysglycémiques ? Depuis maintenant au moins deux décennies, le débat reste ouvert. Cette question est posée tant chez les sujets modérément hyperglycémiques, intolérants au glucose, que chez ceux déjà diabétiques. Et même, pour aller plus loin : les pics post-prandiaux sont-ils plus importants que les glycémies à jeun ou les valeurs d’HbA1c ? Des arguments épidémiologiques plaident en faveur de cela, même si les niveaux glycémiques avant et après le repas sont intimement corrélés, et leurs effets difficilement dissociables.
Une action intestinale spécifique
Des approches thérapeutiques ont ciblé le post-prandial : les analogues rapides de l’insuline et les glinides. Mais, de longue date, c’est avec l’acarbose, agissant spécifiquement sur les excursions post-prandiales, qu’un bénéfice CV a été recherché selon ce raisonnement. Premier inhibiteur des α-glucosidases, cette molécule a été mise sur le marché en 1990 pour le traitement du diabète de type 2 (DT2). Elle inhibe les enzymes de la bordure en brosse intestinale, qui réduisent les disaccharides en monosaccharides (seuls absorbés), ceci aboutissant à de moindres excursions post-prandiales.
Une réduction inattendue des infarctus du myocarde
La première étude importante, STOP-NIDDM, pratiquée chez des sujets intolérants au glucose (ITG, définis selon les critères habituels après charge de 75 g de glucose), a montré une réduction de 25 % du passage d’ITG à diabète patent.
De plus un effet insoupçonné a été constaté : une réduction des infarctus du myocarde (IDM) dans le bras traité par acarbose – quoique le nombre d’évènements ait été très faible (15 vs 32 sur environ 700 sujets par bras.
Un recrutement Chinois
L’étude acarbose cardiovascular evaluation (ACE) a donc été lancée, pour évaluer les effets cardiovasculaires de l’acarbose versus placebo dans une population d’ITG. Au total, 6 522 sujets ont été recrutés (3 272 acarbose et 3 250 placebo) : essentiellement des Chinois, du fait du large usage de cette molécule en Asie, dû peut-être à des effets plus marqués, possiblement reposant sur des mécanismes pathogéniques du DT2 différents, mais assez peu démontrés au demeurant.
Le critère principal était un MACE en 5 points (MACE 3 points + hospitalisation pour angor instable + insuffisance cardiaque) et le critère secondaire était très large : MACE 3 points + décès toutes causes + infarctus létal + AVC fatals et non fatals + hospitalisation pour angor instable + développement d’un diabète de type 2 et détérioration de la fonction rénale.
Essai non transformé
Sur une médiane de suivi de 5 années, le résultat CV s’est avéré négatif pour tous les critères analysés : aucune réduction des évènements CV (n = 470 vs 479), ce qui ne confirme pas les résultats CV de STOP-NIDDM, qui rappelons-le n’était aucunement conçue à cette intention.
Cependant, la réduction du passage d’ITG à diabète est, elle, bel et bien retrouvée, avec les résultats de ACE.
« La question reste entière chez les diabétiques de type 2, en particulier à haut risque cardiovasculaire »
Ces résultats négatifs enterrent-ils une fois pour toutes l’hypothèse d’un rôle aggravant des excursions post-prandiales sur le risque CV ? Dans ce contexte d’intolérance au glucose, oui, en principe, même si des méta-analyses anciennes affirmaient le contraire ! Mais cette étude n’a pas été menée chez des sujets ayant un DT2 avéré et une telle étude reste certainement à faire, surtout chez des patients à haut risque CV, et une fois la glycémie à jeun contrôlée.
Professeur émérite, université Grenoble Alpes (Grenoble)
Rury R Holman et al. Effects of acarbose on cardiovascular and diabetes outcomesin patients with coronary heart disease and impaired glucosetolerance (ACE): a randomised, double-blind,placebo-controlled trial. Lancet diabetes endocrinology. Lancet Diabetes Endocrinol Published online September 13, 2017
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024