Risque triplé de fausses couches

Gare aux auto-anticorps thyroïdiens même en euthyroïdie

Publié le 17/05/2011
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LES DYSTHYROIDIES sont une cause classique de fausses couches, à rechercher en cas d’épisodes à répétition. Il est un peu moins connu en revanche que la présence isolée d’auto-anticorps thyroïdiens, sans dysthyroïdie associée, augmente également le risque de fausses couches (FC) et de prématurité. D’après une récente métaanalyse britannique à partir de 31 études, le risque serait même triplé pour les FC et doublé pour les accouchements prématurés.

Il existe de nombreuses preuves dans la littérature plaidant pour une responsabilité de l’auto-immunité thyroïdienne. Y compris en situation de fonction thyroïdienne normale, des études ont mis en évidence une association entre la présence d’autoAc thyroïdiens, en particulier d’Ac antithyroperoxydases (Ac antiTPO), et la survenue de complications obstétricales, à type de FC, prématurité et de séquelles neurologiques chez l’enfant.

Bénéfices de la lévothyroxine

Le mécanisme exact de ces associations n’est pas élucidé. Pour certains, il pourrait s’agir d’un léger déficit en hormones biodisponibles, c’est-à-dire des hormones libres circulantes, ou d’une moindre capacité de la glande thyroïdienne à répondre aux besoins accrus par la grossesse. Pour d’autres, les autoAc sont le témoin d’un état général d’auto-immunité délétère. Certaines publications ont suggéré le rôle protecteur d’un traitement par lévothyroxine chez des femmes euthyroïdiennes.

Afin de mieux décrire le phénomène, les épidémiologistes de Birmingham ont entrepris une vaste revue de la littérature à partir des quatre bases principales de données médicales (Medline, Embase, Cochrane Library et SCISEARCH). Trente-et-une études ayant inclus 12 126 femmes (19 cohortes et 12 cas contrôles) ont évalué l’association entre les autoAc thyroïdiens et la survenue de fausses couches. Pour la prématurité, seules cinq études ont été identifiées mais totalisant un effectif de 12 566 femmes. Deux études randomisées ont évalué l’intérêt d’un traitement par lévothyroxine sur le risque de FC.

Sur les 31 études portant sur les FC, 28 ont confirmé la positivité de l’association. La métaanalyse des cohortes a mis en évidence que le risque était triplé ; pour les cas contrôles, le risque relatif était de 1,80. D’après la métaanalyse des deux études randomisées, la lévothyroxine diminue de 52 % le risque relatif de FC. L’étude unique ayant mesuré l’intérêt de la lévothyroxine sur la prématurité a retrouvé une diminution de 69 % du risque relatif.

Alors quelles conclusions tirer en pratique ? Une chose est claire, la présence d’autoAc est à considérer comme un facteur de risque obstétrical, même si fonction thyroïdienne est normale. Les Ac antiTPO sont les plus fréquemment retrouvés, sans qu’il ne soit possible de définir un seuil de normalité universelle, compte-tenu de la variabilité des tests. Si les bénéfices de la lévothyroxine venaient à être confirmés sur des effectifs plus larges, la question du dépistage ciblé ou systématique mérite d’être posée, compte-tenu de la fréquence des autoAc thyroïdiens dans la population générale.

BMJ 2011 ; 342:d2616

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8964