C’EST UNE ENQUÊTE massive qu’ont mise sur pied des chercheurs autrichiens pour étudier la relation potentielle entre la sous-alimentation au début de la vie et le développement ultérieur d’un diabète. Les données recueillies chez plus de 300 000 patients traités par médicaments antidiabétiques en 2006 et 2007 et nés entre 1917 et 2007 mettent en évidence un excès de risque de survenue d’un diabète pouvant aller jusqu’à 40 % pour les personnes nées durant une période de famine ou juste après. Il est également plus élevé dans les régions pauvres de ce pays, les plus exposées aux conséquences de la sous-alimentation.
L’Autriche a connu trois épisodes de famine au cours du vingtième siècle : en 1918 (après la désintégration de l’Empire austro-hongrois), en 1938 (crise économique et agricole) et dans les suites de la Seconde Guerre mondiale, en 1946 et 1947. Les auteurs ont utilisé ces « événements naturels » pour vérifier l’hypothèse, émise d’après les données de l’étude Dutch Hunger Winter (L. C. Schultz et coll., 2010), de la Famine Chinoise (1959-1961) ou encore de la Helsinki Birth Cohort Study (J. G. Eriksson et coll., 2003), d’un impact de la croissance durant la vie fœtale ou prénatale sur le développement ultérieur d’un diabète.
Une étude sur 8 millions de personnes
Les cohortes concernées dans ces dernières études étaient de l’ordre de quelques milliers, sans comparaison avec la présente enquête, qui porte sur l’ensemble des patients diabétiques d’un pays (d’environ 8 millions d’habitants) à une période donnée.
L’équipe de D. C. Kasper découvre que le risque de devenir diabétique chez les sujets nés entre 1919 et 1921 (soit juste après la famine de 1918) est plus élevé d’environ 13 % (hommes) et 16 % (femmes) par rapport à ceux nés en 1918 ou en 1922. L’excès de risque demeure notable, bien que moindre, pour les deux autres périodes de famine : + 9 % et + 8 % chez les hommes et les femmes, respectivement, nés en 1938, et + 5 % et + 3 % pour ce qui est de la période 1946-1947 correspondant à la 3e famine.
Il n’est pas moins intéressant de noter que c’est dans les régions les plus pauvres d’Autriche, ayant été exposées le plus durement aux conséquences de la sous-alimentation, qu’on observe les excès de risque les plus prononcés : jusqu’à 38 % (hommes) et 28 % (femmes), par exemple, dans le Burgenland, alors que chez les sujets nés à la même période (famine de 1918-1919) dans le Vorarlberg, une région plus riche, il est de 10 % (hommes ou femmes).
Davantage les hommes.
Un autre enseignement de cette enquête est que l’excès de risque s’élève davantage chez les hommes que chez les femmes, du moins pour ceux nés jusque dans les années 1960 : le sex-ratio (M-F) passe d’environ 1,0 (pour les personnes nées en 1917) à 1,6 (naissance entre 1960 et 1965). Mais attention, car après 1970 le sex-ratio s’inverse (inférieur à 1, donc plus de femmes à risque que d’hommes), témoignant d’une augmentation de l’incidence du diabète chez les femmes à partir des années 1970.
Cette étude confirme donc - cette fois à très grande échelle - la théorie d’une relation entre une sous-alimentation au début de l’existence et le développement d’un diabète à l’âge adulte. Elle révèle aussi une inversion du sex-ratio : chez les personnes de 40 ans ou plus, les hommes sont plus exposés que les femmes à l’excès de risque en rapport avec la sous-alimentation, mais c’est l’inverse qu’on observe dans la population âgée de 15 à 40 ans.
David C. Kasper et coll. Quantification of excess risk for diabetes for those born in times of hunger, in an entire population of a nation, across a century. Proc Natl Acad Sci USA (2013) Publié en ligne.
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