Plusieurs essais menés dans les années 1990-2000 ont montré, d’abord dans le diabète de type 1 puis dans le diabète de type 2, que la pression artérielle et la protéinurie sont les deux déterminants majeurs de la progression de l’insuffisance rénale. L’inhibition du Système rénine-angiotensine (SRA) par les Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou les Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA 2) est ainsi devenue la base du traitement de la néphropathie diabétique en raison de leurs effets sur l’hypertension et la protéinurie. Il est apparu alors logique, en cas d’inefficacité de la monothérapie, de combiner les deux familles d’inhibiteurs du SRA, qui n’agissent pas au même niveau de la cascade du système, pour obtenir une néphroprotection plus marquée, logique confortée par plusieurs études de courte durée.
Le travail de Naoyoki Nakao (étude COOPERATE), publiée dans le Lancet au début de l’année 2003, a marqué un tournant en démontrant les bénéfices de l’association trandolapril-losartan sur la progression de l’insuffisance rénale. « À la suite de cette publication, toutes les sociétés savantes du monde ont recommandé l’association IEC-ARA2 dans ce contexte, rappelle le Pr Christian Combe. La suite de l’histoire est connue : ces résultats étaient en fait falsifiés et l’étude fut retirée en octobre 2009 ».
L’étude ON-TARGET, publiée en 2008 (1), a montré qu’il n’y a pas de bénéfice cardiovasculaire à associer un IEC et un ARA2 (ramipril-telmisartan), tandis que cette association s’accompagne de plus d’insuffisances rénales aiguës. Il ne s’agissait pas de patients insuffisants rénaux, ce qui a conduit à faire d’autres essais, notamment l’étude ALTITUDE (2), interrompue pour des raisons de sécurité. Un scénario qui s’est répété avec l’interruption prématurée de l’étude VA-NEPHRON publiée à l’automne dernier, où, la aussi, le double blocage du SRA s’est montré délétère (hyperkaliémie) et sans bénéfice cardiovasculaire.
«Ces résultats vont dans le sens de l’expérience clinique : le double blocage du SRA permet de réduire de façon plus marquée la protéinurie et les valeurs tensionnelles, mais dans certaines circonstances comme une gastro-entérite ou une sudation excessive, il y a un risque d’insuffisance rénale parfois fonctionnelle mais pouvant être très sévère », note le Pr Christian Combe.
« Pour autant, la double inhibition du SRA (en faisant appel à l’aliskiren, un IEC, un ARA2 ou un anti-aldostérone) ne doit pas être complètement abandonnée car elle peut permettre de passer un cap dans certaines circonstances et pour une période de quelques mois, par exemple chez certains patients ayant une HTA maligne difficile à contrôler, poursuit le Pr Combe. L’observance du régime sans sel est alors essentielle, comme elle l’est d’ailleurs pour le traitement par IEC ou sartan en monothérapie : l’apport alimentaire en sel doit être de 4 à 6 g/jour, à contrôler par la mesure du sodium sur les urines des 24 heures (70 à 100 mmoles) ».
D’après un entretien avec le Pr Christian Combe, CHU, Bordeaux.
(1) Telmisartan, Ramipril, or Both in Patients at High Risk for Vascular Events. The ONTARGET Investigators. N Engl J Med 2008;358:1547-59
(2 ) Cardiorenal End Points in a Trial of Aliskiren for Type 2 Diabetes ALTITUDE Investigators. N Engl J Med 2012;367:2204-13
(3) Combined Angiotensin Inhibition for the Treatment of Diabetic Nephropathy. VA NEPHRON-D Investigators. N Engl J Med 2013;369:1892-1903
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