Les biotechnologies ne sont pas nouvelles : la fermentation est utilisée depuis des millénaires pour fabriquer le pain, le fromage, le vin, la bière… On distingue donc les « anciennes » biotechnologies des « nouvelles », qui se définissent comme l’ensemble des méthodes et des techniques utilisant des composants du vivant (molécules, cellules, organismes, etc.) pour rechercher, modifier ou produire des substances chimiques ou des éléments d’origine végétale, animale ou microbienne.
Aujourd’hui, les principaux secteurs d’activité qui utilisent les biotechnologies quotidiennement sont les industries pharmaceutiques, cosmétiques et agroalimentaires. Dans le domaine alimentaire, elles permettent notamment de créer des plantes plus résistantes aux bactéries et aux nuisibles, et d’améliorer ainsi le rendement des cultures. Elles permettent aussi de créer de nouveaux aliments.
Pour Kevin Camphuis, cofondateur de ShakeUpFactory, un accélérateur de start-up de la FoodTech, une révolution est bel et bien en marche : « Modes de production agricoles, nouveaux ingrédients, manière dont on les transforme : dans l’industrie agroalimentaire, toute la chaîne de valeur est transformée par ces nouvelles technologies. Sur le sujet de l’alimentation, on doit s’attendre à ce que la majorité de nos repères soient remis en cause dans les quinze prochaines années. » Et si la solution pour nourrir la planète était là ? Il faut dire que les enjeux sont énormes.
Défis colossaux
Selon les Nations unies, la population mondiale devrait augmenter de 2 milliards de personnes au cours des trente prochaines années, passant de 7,7 milliards actuellement à 9,7 milliards en 2050. Elle pourrait atteindre un nombre proche de 11 milliards d’individus vers l’an 2100. Comment nourrir tout le monde ? « Les besoins alimentaires mondiaux vont continuer à croître et les solutions agricoles d’aujourd’hui ne sauront pas y répondre, complète Kevin Camphuis. Les productions animales représentent entre 10 et 15 % du total des émissions de gaz à effet de serre et notre système alimentaire va nécessairement devoir inventer de nouvelles sources de protéines alternatives. » Objectif : trouver des solutions nouvelles pour résoudre le « gap protéique », en limitant l’impact sur la planète.
Outre les questions environnementales, l’actualité souligne à quel point la production alimentaire est loin d’être acquise. « Conflit en Ukraine, hausse du coût de l’énergie, de celui des matières premières, sécheresse… Nous avons passé cinquante ans à optimiser nos chaînes de valeur, désormais ultrasophistiquées. Mais, les derniers mois le confirment, le système ne tient plus », souligne-t-il.
Priorité à l’innovation
« La bonne nouvelle ? Ces enjeux ont été pressentis par des start-up qui, depuis quelques années, travaillent pour proposer de nouveaux produits, de nouvelles solutions. La révolution des ingrédients ne fait que commencer », affirme Kevin Camphuis.
Différentes biotechnologies occupent ainsi les acteurs de la FoodTech, comme la modification génétique de semences et intrants agricoles pour améliorer les rendements des cultures, la fermentation de précision pour des matrices animales (viande de culture, poisson de culture), les nouvelles techniques de fermentation pour des matrices végétales (sarrasin, légumineuses), l’utilisation de la data, de logiciels, de technologies nouvelles, comme l’impression 3D… Ces start-up ont fait de l’innovation alimentaire leur priorité. Ingénieurs, biologistes, chimistes : ils travaillent en laboratoires… Et lancent des produits comme des burgers sans viande, fabriqués grâce à des champignons, ou des alternatives aux protéines laitières, obtenues grâce à la fermentation de protéines de pois. « Il y a des milliers de façons d’utiliser les microbes, des levures, des ferments et les bactéries pour produire de saveurs, des textures, ajoute le fondateur de ShakeUpFactory. Dans le monde demain, il y aura un comptoir de fermentation à côté du boucher, qui proposera de la viande de culture, des végétaux fermentés, des aliments que l’on ne connaît pas encore. »
Selon lui, « il s’agit bien de ‘faire avec’ et non ‘à la place de’ : quand on parle d’innovation, on a tendance à penser que cela va effacer ce qu’il y avait avant. Ce n’est pas l’objectif ! Les produits créés par les biotechs viendront compléter, et non remplacer, l’existant. »
Nombreux tiraillements
Cela dit, d’autres voix se font nettement plus sceptiques, plus critiques. Le 11 mai dernier, lors de la cérémonie de remise des diplômes à AgroParisTech (l’institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement), huit étudiants ont prononcé un discours qui a été largement partagé, diffusé et commenté. Dans ce discours, ils ont appelé leurs camarades de promotion à « déserter ». Déserter le chemin ouvert par leur école vers des emplois dans l’agro-industrie, des emplois qui participent aux « ravages sociaux et écologiques en cours ». « Trafiquer en labo des plantes pour des multinationales (…), inventer des labels ‘bonne conscience’ (…), pondre des rapports RSE [responsabilité sociale des entreprises]… À nos yeux, ces jobs sont destructeurs et les choisir, c’est nuire. » Leurs propos sont révélateurs des divergences d’opinions sur la question de l’utilisation des biotechnologies dans l’alimentation, et des tensions qui secouent le secteur.
Face aux défenseurs de la FoodTech, d’autres soulignent en effet que ces technologies sont elles-mêmes responsables d’émissions polluantes, qu’elles poursuivent des objectifs uniquement commerciaux et sont de toute façon trop coûteuses. Alors que l’on parle de naturalité, d’authenticité, de retour à la tradition, que l’on s’accorde largement sur les méfaits des aliments ultra-transformés, l’industrie agroalimentaire demeure agitée par de nombreux tiraillements.
Exergue : « On doit s’attendre à ce que la majorité de nos repères soient remis en cause dans les quinze prochaines années »
*La FoodTech regroupe les initiatives numériques, technologiques et entrepreneuriales innovantes en lien avec l’alimentation. Pour en savoir plus : https://lafoodtech.fr
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