Pour la mère et l’enfant

Les conséquences du diabète gestationnel

Publié le 14/06/2010
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Crédit photo : S.?TOUBON/« LE QUOTIDIEN »

Signification pronostique

La signification pronostique du diabète gestationnel – défini par la survenue ou la découverte d’une anomalie de la tolérance glucosée au cours d’une grossesse – a fait l’objet d’incessantes discussions d’experts quant aux conséquences fœto-maternelles d’une hyperglycémie somme toute modérée, certains allant jusqu’à contester la réalité de cette entité clinico-biologique. Les détracteurs du dépistage du diabète gestationnel soulignaient le risque de modifications de la pratique obstétricale avec de possibles retentissements psychologiques néfastes, un plus grand nombre de césariennes et un surcoût non négligeable pour un bénéfice incertain. Les résultats de plusieurs publications récentes devraient mettre un terme à ces discours en apportant des données claires et probantes en faveur du dépistage systématique.

Macrosomie fœtale

Un effet évident : la macrosomie fœtale.

L’étude HAPO (Hyperglycemia and Adverse Pragnancy Outcome), la plus récente, a démontré une relation linéaire entre les taux de glycémie élevés chez la mère et la macrosomie fœtale (poids › 90° percentile), les accouchements par césarienne et la survenue d’une hyperglycémie néonatale. L’hyperinsulinisme du fœtus secondaire à l’hyperglycémie maternelle est le principal facteur expliquant la macrosomie, l’insuline étant en l’occurrence à considérer comme un facteur trophique. La macrosomie est responsable de complications obstétricales dont la dystocie des épaules avec un sur-risque de lésions du plexus brachial et de fractures de la clavicule. L’accouchement par césarienne évite ce risque mais est lui-même entaché d’une morbi-mortalité.

L’étude d’intervention ACHOIS, publiée en 2005, avait montré qu’il était possible de diminuer la morbidité fœtale liée au diabète gestationnel. Dans cette étude randomisée menée chez 1 000 femmes ayant un diabète gestationnel, l’intervention a consisté à mettre en place des conseils diététiques, une auto-détermination des glycémies capillaires (4x/jour) et une insulinothérapie précoce dès lors que la glycémie dépassait 1 g/l à jeun ou 1,26 g/l deux heures après un repas. Ces mesures thérapeutiques rigoureuses ont permis de réduire les décès (p < 0,06), la dystocie des épaules (p < 0,07), le poids par rapport à l’âge gestationnel (p < 0,002) et surtout la macrosomie définie par un poids de naissance › 4 kg (p < 0,001). Dans cette étude, il n’existait pas de modifications du risque d’hypoglycémie néonatale mais la glycémie néonatale n’avait pas été mesurée systématiquement. Une mortalité périnatale plus élevée a été observée mais elle était liée il est vrai à des causes indépendantes de l’hyperglycémie.

Diabète

Un risque accru de diabète chez la mère.

Chez la mère, les conséquences du diabète gestationnel sont discutables durant la grossesse. Un risque accru de pré-éclampsie a été décrit mais semble surtout lié à la plus grande fréquence de l’hypertension artérielle chez ces mères souvent obèses ou ayant un gain pondéral excessif durant la grossesse. Néanmoins, dans l’étude ACHOIS, l’intervention a été associée à une diminution significative du risque de pré-éclampsie.

En revanche, le diabète gestationnel expose à moyen terme à un risque majeur de diabète de type 2 chez la mère. En comparant les femmes ayant présenté un diabète gestationnel à celles dont la grossesse s’est déroulée sans survenue d’anomalies métaboliques, le risque de diabète de type 2 apparaît multiplié par un facteur 3 à 20. Dans une grande étude de cohorte canadienne menée auprès de 21 823 femmes ayant présenté un diabète gestationnel, la probabilité de développer un diabète était de 3,7 %, 9 mois après l’accouchement et de 18,9 %, 9 ans plus tard. Globalement, le risque à dix ans est estimé de 20 à 60 % dans la littérature qui s’est attachée à définir les facteurs de risque autres que le seul diabète gestationnel. Les facteurs de risque prédisposant à l’installation du diabète gestationnel sont en partie les mêmes que ceux qui favorisent l’apparition ultérieure d’un diabète - antécédents familiaux, obésité abdominale et gain pondéral, sédentarité - ce qui fournit des pistes de prévention. En pratique, la réalisation d’un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) 3 mois après l’accouchement ou après la fin de l’allaitement et si possible avant la reprise d’une contraception estroprogestative permettra de confirmer la persistance d’une intolérance au glucose et d’entreprendre une action préventive précoce pour différer l’installation d’un diabète en luttant contre l’excès de poids et en incitant à une activité physique régulière.

Cardiovasculaire

Des risques cardiovasculaires chez la mère.

Les femmes ayant des antécédents de diabète gestationnel présentent plus souvent des facteurs de risque cardio-vasculaires. Elles sont plus souvent obèses hypertendues, dyslipidémiques et réunissent volontiers les critères du syndrome métabolique. Une étude de cohorte rétrospective menée pendant 11,5 ans dans l’Ontario (Canada) auprès de 8 191 femmes ayant eu un diabète gestationnel et 81 262 femmes sans diabète gestationnel a souligné la grande fréquence du diabète chez les premières (27,0 % contre 3,2 %). Le risque relatif d’événements cardiovasculaires était de 1,71 mais après ajustement sur la présence d’un diabète, il n’était plus que de 1,13. Il existe donc une augmentation conséquente du risque cardiovasculaire chez ces femmes encore jeunes qui ont eu un diabète gestationnel mais ce risque est principalement imputable à la survenue du diabète de type 2. Ces résultats en accord avec d’autres soulignent le risque de coronaropathie chez ces femmes dès lors qu’apparaît un diabète.

Devenir des enfants

Incertitudes quant au devenir des enfants.

Le devenir des enfants nés de mère ayant eu un diabète gestationnel pose également problème mais les études épidémiologiques prospectives quant à leur développement sont encore peu nombreuses. Dans la Growing up Today Study s’intéressant à près de 15 000 enfants dont 465 nés d’une mère présentant un diabète gestationnel, un poids de naissance élevé augmente le risque d’obésité à l’adolescence avec un risque relatif de 1,4 (1,1 – 2,0). Il est vraisemblable que le diabète gestationnel est un facteur favorisant l’obésité chez l’enfant et, partant, le diabète.

Agir

Agir en cas de diabète gestationnel.

Tout doit donc être fait pour prévenir le diabète gestationnel en luttant contre une prise de poids excessive durant la grossesse ou en tentant de corriger ou de maîtriser une obésité ou un surpoids pré-existant avant et pendant la grossesse et empêcher ainsi la survenue précoce d’un diabète de type 2 après l’accouchement. Des antécédents de diabète gestationnel doivent conduire à une modification du style de vie, fondée sur la prescription d’une alimentation équilibrée, diversifiée, à faible densité énergétique et sur un programme d’activité physique. L’intérêt du dépistage du diabète gestationnel ne tient donc pas seulement à la prévention de complications obstétricales mais également à la prévention ultérieure du diabète et de ses complications chez la mère par une stratégie laissant une large part à l’information et à l’éducation thérapeutique afin que la mère s’approprie pleinement ce projet.

Tél : 03.88.12.75.97 fax : 03.88.12.75.96 mél : jean-louis.schlienger@chru-strasbourg.fr

 Pr J.-L. SCHLIENGER Service de médecine interne, nutrition et endocrinologie, hôpital Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8789