Obésité : une mémoire épigénétique du tissu adipeux

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Publié le 09/12/2024
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Les changements épigénétiques induits par l’obésité ne s’effacent pas après perte de poids, et favorisent fortement la reprise du poids.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

La réduction du poids corporel est un objectif évident dans le traitement de l’obésité et de ses comorbidités. Quelle que soit la méthode (diététique, médicaments, chirurgie bariatrique), le maintien de la perte de poids est un défi, puisque le corps semble conserver une mémoire obésogène, une forme de défense contre les changements de poids corporel à long terme. Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent ce phénomène demeurent en grande partie méconnus.

Dans ce travail, l’équipe a utilisé le séquençage « single-nucleus RNA sequencing », et montré que les tissus adipeux murins conservent des changements transcriptionnels cellulaires après une perte de poids significative (1). Une partie de cette recherche menée chez l’humain tend à le confirmer.

Ainsi, des altérations persistantes transcriptionnelles stables dans les adipocytes, induites par l’état d’obésité dans l’épigénome des adipocytes, affectent négativement leur fonction et leur réponse aux stimuli métaboliques, ces souris présentant un rebond accéléré de prise de poids après amaigrissement.

Ces résultats indiquent l’existence d’une mémoire obésogène, largement fondée sur des changements épigénétiques stables dans les adipocytes de souris, et probablement dans d’autres types de cellules. Ces changements semblent préparer les cellules à des réponses pathologiques dans un environnement obésogène, contribuant à l’effet « yo-yo », obstacle au maintien pondéral, un phénomène souvent observé après le suivi de la totalité des régimes restrictifs. À l’avenir, cibler ces changements épigénétiques pourrait améliorer la gestion du poids et les résultats à long terme.

Un relais thérapeutique à anticiper

Cette étude peut être considérée comme fondamentale, quand on sait l’enjeu de santé que constitue la perte, d’une partie au moins, de l’excès pondéral des sujets en situation d’obésité. Bien entendu, ces études sur des modèles murins doivent être complétées par d’autres. Elles coïncident totalement avec le constat fait en clinique depuis des temps très anciens : une rechute pondérale avec toutes les approches visant à l’amaigrissement, qui ne s’explique qu’en partie seulement par la perte de masse maigre, tissu essentiel pour la dépense énergétique.

Le problème de la rechute, voire du rebond, semble de plus persister malgré la disponibilité de molécules innovantes très puissantes (incrétines), dès après l’arrêt de leur administration.

L’épigénétique est en effet essentielle au développement, à la différenciation et au maintien de l’identité des adipocytes in vitro et in vivo. Il faut creuser cette voie, mais aussi prévoir un relais thérapeutique après le recours à ces nouvelles classes. Sans oublier avant tout de mener la « prévention active », qui, seule, à long terme pourra enrayer l’épidémie mondiale de ce fléau des temps modernes, qu’est l’obésité, avec son corollaire, l’épidémie de diabète qui s’ensuit.

(1) Hinte LC, et al Adipose tissue retains an epigenetic memory of obesity after weight loss. Nature. 2024 Nov 18. doi: 10.1038/s41586-024-08165-7

Pr Serge Halimi, Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes

Source : lequotidiendumedecin.fr