Sécrétées au moment des repas, les incrétines physiologiques sont des hormones gastro-intestinales qui stimulent la sécrétion d’insuline. Parmi elles, le glucagon-like-peptide-1 (GLP1) endogène inhibe en outre la sécrétion du glucagon, ralentit la vidange gastrique et induit une sensation de satiété. Depuis 2006 en France, des médicaments mimant l’action des incrétines –notamment celle du GLP1 à des taux pharmacologiques– ont trouvé une place de choix dans le traitement du diabète de type 2 (DT2), associés aux antidiabétiques oraux (ADOs) ou à l’insuline basale. En France, environ 100 000 patients sont ainsi traités par des agonistes du GLP1 (dont 95 000 sous liraglutide).
Les agonistes (analogues) du glucagon-like-peptide-1 (aGLP1) sont aujourd’hui indiqués chez les patients diabétiques de type 2 chez lesquels un contrôle glycémique adéquat n’a pas été obtenu aux doses maximales tolérées de metformine ou d’une association metformine/sulfamide. Ce constat d’échec est établi dès lors que le taux d’HbA1c des patients sous traitement se situe à plus d’1 % d’écart par rapport à l’objectif fixé. « Dans ce cas de figure, les aGLP1 peuvent permettre de diminuer le taux d’HbA1c de 1,3 % à 1,5 %. Il y a, ainsi, une place légitime pour ces derniers, en complément d’une mono- ou d’une bithérapie, notamment lorsque le patient est obèse (IMC ? 30 kg/m2) ou que le risque élevé de survenue d’hypoglycémie est jugé préoccupant. Ce qui est le cas d’environ 50 % des diabétiques de type 2 », souligne le Pr Bruno Guerci, diabétologue au CHU de Nancy. Les agonistes du GLP1 permettent en effet aux patients diabétiques de perdre de l’ordre de 3 à 4 kg (parfois beaucoup plus) et n’engendrent pas, pour autant, d’augmentation du risque d’hypoglycémie (contrairement aux sulfamides ou à l’insulinothérapie).
Association aux ADOs
Prescrits après échec de metformine, les aGLP1 n’entrent pas en compétition avec cette dernière mais sont toujours prescrits en complément, pour en améliorer l’action. La situation diffère lorsque le patient est en échec d’une bithérapie. En effet, associés à une bithérapie classique (metformine/sulfamide), les aGLP1 permettent souvent, à moyen terme, de réduire les doses de sulfamides, voire d’arrêter si cela est possible la prise de sulfamides. Car si les aGLP1 sont moins incisifs que le sulfamide en début de traitement, ils engendrent une meilleure stabilité de l’HbA1c sur le long terme, peu de risque d’hypoglycémie et permettent une perte de poids. « Pour un patient donné, le différentiel en termes de poids – entre le traitement metformine/sulfamide et metformine/aGLP1 – est donc, de l’ordre de 5 kg, voire davantage », précise le Pr Guerci. Les aGLP1 présentent donc un intérêt non négligeable pour le patient en surpoids ou obèse.
Les aGLP1 ont, toutefois, pour particularité de n’être disponibles que sous la forme injectable. « On a pu craindre une appréhension des patients. Mais dans les faits, l’injectable est très bien accepté. L’injection reste peu contraignante : une fois par jour et, depuis peu, une seule fois par semaine (avec l’arrivée de formes retard en 2015 et 2016), sans nécessité de titration (à la différence de l’insuline). Ce qui facilite l’observance, du moins en théorie. En outre, les aGLP1 ne nécessitent pas d’autosurveillance glycémique (contrairement aux sulfamides et à l’insuline), car le risque hypoglycémique est quasiment nul, en particulier lorsqu’ils sont associés à la metformine seule », assure le Pr Guerci.
Switch des iDPP4
Autres incrétinomimétiques, les inhibiteurs de la DPP4 (inhibiteurs de l’enzyme qui dégrade le GLP1) peuvent également être prescrits chez des patients diabétiques de type 2 en échec de monothérapie. D’un emploi facile (ils se prennent par voie orale), ils n’entraînent pas de prise ni de perte de poids et sont sans risque hypoglycémiant. Leur efficacité sur le contrôle glycémique reste néanmoins modeste, comparée aux aGLP1. Chez des patients diabétiques, obèses et insulinorésistants n’ayant pas atteint l’objectif d’HbA1c sous metformine et iDPP4, les aGLP1 peuvent alors représenter une alternative intéressante. « Dans ce cas, les aGLP1 remplacent les iDPP4 initialement prescrits. Outre leur supériorité d’action sur l’HbA1c, les aGLP1 permettent une perte de poids, contrairement aux iDPP4. Ainsi, ces derniers conservent leur intérêt en association avec la metformine uniquement lorsque cette association est suffisamment efficace pour atteindre l’objectif d’HbA1c », souligne le Pr Guerci.
Dès les premières étapes de la prise en charge du diabète, les agonistes du GLP1 ont donc une place très intéressante, en comparaison aux sulfamides et aux inhibiteurs de la DPP4. « Toutefois, cette situation évoluera certainement lorsque les inhibiteurs de SGLT2 seront disponibles en France (lire page 4). Car cette nouvelle classe de médicaments est associée non seulement à une efficacité en termes de baisse de l’HbA1c et de réduction pondérale, mais aussi, à une probable protection cardiovasculaire (en particulier, vis-à-vis du risque de mortalité cardiovasculaire liée à l’insuffisance cardiaque). Ces nouveaux médicaments qui agissent sur le rein (en induisant une glycosurie extra-physiologique) ont l’avantage de fonctionner chez une majorité des patients, ce qui n’est pas le cas des aGLP1. En effet, aujourd’hui, 15 à 20 % des patients ne répondent pas immédiatement aux aGLP1 ou échappent assez vite (dans les 6 à 12 mois de traitement) au traitement », confie le Pr Guerci.
Avec l’insuline basale
Si les agonistes du GLP1 sont, en premier lieu, indiqués chez les patients en échec de monothérapie (metformine) ou de bithérapie orales (metformine/sulfamide ou metformine/iDPP4), ils peuvent également, dans certains cas, être combinés à une insulinothérapie. Lorsque les patients ne sont pas équilibrés sous ADOs à doses maximales tolérées, souvent sur un diabète ancien (? 10 ans), suggérant une carence en insuline, les recommandations actuelles de la HAS sont d’introduire un traitement par insuline basale.
Un schéma contraignant
Si, malgré cela, l’objectif thérapeutique n’est pas atteint, elle peut être associée à une ou plusieurs insulines rapides, administrées avant les repas (schéma basal plus ou basal-bolus). « Ce schéma est toutefois, assez contraignant pour les patients, car les injections d’insuline sont nombreuses et l’autosurveillance glycémique, nécessairement renforcée pour adapter les doses et prévenir les hypoglycémies. Avant d’intensifier le traitement d’un patient sous insuline basale par à des injections complémentaires d’insuline prandiale, il faut réfléchir à l’intérêt de l’association insuline basale/aGLP1. En effet, cette association est attractive chez les patients les plus obèses et ceux qui n’ont peut-être pas la capacité à gérer la complexité d’un système d’insuline à 4 injections par jour », souligne le Pr Guerci.
Dans ce cadre, la question posée est de savoir quel agoniste du GLP1 associer à l’insuline basale. « Sur un plan conceptuel, il semble logique d’ajouter un aGLP1 d’action courte : exenatide ou lixisenatide (bientôt disponible en France) pour contrôler les glycémies post-prandiales en complément de l’insuline basale qui, elle, régule la glycémie à jeun le matin. D’autres études ont également montré qu’il est possible d’associer à une insuline lente un agoniste du GLP1 à longue durée d’action (liraglutide). Cette association de 2 molécules d’action prolongée, censée agir plutôt sur le contrôle des glycémies préprandiales, donne en définitive, d’après les études, de bons résultats sur l’ensemble du contrôle glycémique des patients », assure le Pr Guerci.
Associations fixes
Des associations fixes d’insuline basale et d’aGLP1 devraient, par ailleurs, être disponibles en France, dans les années à venir. « Dans un même stylo, le patient aura une insuline basale et un aGLP1. Ce qui diminuera la contrainte en termes de nombre d’injections. Comparée à un traitement d’insuline exclusive comportant 3 à 4 injections par jour, l’association a l’avantage de minorer le risque hypoglycémique, de diminuer fortement le taux d’HbA1c et d’être neutre sur le plan pondéral. Ce sont des arguments forts pour favoriser l’adhésion des patients à ces futures stratégies », conclut le Pr Guerci.
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