Perturbateurs endocriniens : des scientifiques dénoncent la manipulation de leur discipline

Par
Publié le 30/11/2016

Une centaine de scientifiques européens et américains, spécialistes des perturbateurs endocriniens (PE) ou du changement climatique, dont une quinzaine de Français, du CNRS, de l'INSERM, du Collège de France, de l'IRSET ou de l'INERIS, dénoncent dans une tribune publiée dans « le Monde » du 29 novembre la « manipulation de la science » et la « fabrication du doute par les industriels ».

Leur accusation intervient alors que la commission européenne s'apprête à installer la première réglementation mondiale sur les PE, qui risque d'être « très éloignée des mesures nécessaires pour protéger notre santé et celle des générations futures ». « Les options proposées pour identifier les perturbateurs endocriniens requièrent un niveau de preuve bien plus élevé que pour d'autres substances dangereuses, comme celles cancérigènes. Dans la pratique, il sera très difficile de reconnaître une substance dangereuse comme PE dans l'UE », craignent-ils. L'Alliance santé et environnement HEAL, un collectif de 70 ONG, s'était déjà émue de la nouvelle définition de la Commission européenne publiée mi-juin, tandis que la France avait demandé une révision, plus protectrice de la santé et de l'environnement.

Effets irréversibles

Les signataires de la tribune du monde pointent du doigt une « déformation des preuves scientifiques par des acteurs financés par l'industrie » et la construction, par des « scientifiques fortement liés à des intérêts industriels », de polémiques sur des sujets où « il n'y a pas de controverse scientifique ». Les effets des PE sur la santé sont bien souvent irréversibles, rappellent-ils, en citant les perturbations du système hormonal, les cancers du sein, des testicules, de l'ovaire ou de la prostate, les troubles du développement du cerveau, le diabète, l'obésité, la non-descente des testicules à la naissance, les malformations du pénis, ou encore la détérioration de la qualité spermatique.

Des processus similaires de déformations des preuves scientifiques ont aussi cours à propos du tabac, dans la pétrochimie, l'agroalimentaire, ou encore au sujet des émissions de gaz à effet de serre, soulignent-ils, justifiant ainsi l'alliance de leurs forces.

Plaidoyer pour un GIEC

Les scientifiques plaident pour la création, sous les auspices de l'Organisation des Nations unies (ONU), d'un groupe ayant le même statut international et les mêmes prérogatives que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), pour les PE. Ses missions seraient d'évaluer les connaissances scientifiques destinées aux responsables politiques, dans l'intérêt général, et de prémunir la science contre l'influence des intérêts privés et des lobbies.


Source : lequotidiendumedecin.fr