Selon la définition 2002 de l’OMS, un perturbateur endocrinien (PE) est une substance chimique, d’origine naturelle ou synthétique, étrangère à l’organisme, susceptible d’interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et d’induire des effets délétères sur l’être vivant ou ses descendants.
La notion a émergé en 1962, avec les observations de Rachel Carson, pionnière dans le domaine. Elle avait observé une diminution de la population de certains oiseaux et une fragilisation de leurs coquilles d’œufs, lorsqu’ils étaient exposés à un pesticide organochloré, le DDT, largement utilisé en agriculture. D’autres chercheurs ont depuis constaté les effets délétères de certains produits chimiques sur la reproduction et des troubles de la différenciation sexuelle chez plusieurs espèces animales.
Des effets sur tous les organes
Actuellement, plus de 800 PE sont répertoriés, présents à l’extérieur ou à l’intérieur des maisons, et on les suspecte d’être impliqués dans l’apparition de cancers hormonodépendants, le développement du diabète, de l’obésité, de l’infertilité mais aussi de troubles cognitifs et neurodéveloppementaux.
Leurs principaux mécanismes d’action sont l’interaction avec les hormones stéroïdiennes, l’augmentation du stress oxydatif et l’induction de modifications épigénétiques, pouvant aboutir à un effet transgénérationnel. Au niveau métabolique, ils perturbent l’équilibre glucidolipidique, en provoquant une résistance à l’insuline via une action sur le pancréas, le foie, le tissu adipeux et le muscle squelettique. Plusieurs études ont montré un lien entre l’exposition à certains PE et l’obésité, probablement via une action sur l’adipogenèse.
Au niveau cérébral, il a été constaté une association entre exposition aux PE et troubles du spectre autistique ou TDAH, qui pourraient être liés à un dérèglement de l’équilibre thyroïdien in utero lors d’une exposition anténatale.
Sur le plan gynécologique, leur effet est actuellement bien documenté sur des pathologies comme l’insuffisance ovarienne, l’endométriose, et le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
Une contamination qui peut persister des siècles
Il est malheureusement impossible d’éviter la contamination au quotidien. On distingue deux catégories : les PE persistants et ceux à demi-vie courte.
« Les polluants organiques persistants (POPs) se caractérisent par une demi-vie très longue, qui rend compte de leur accumulation pendant des années voire des siècles dans les sols, l’eau mais aussi tout au long de la chaîne alimentaire, du fait de leur stockage dans les graisses animales. Ils persistent de ce fait bien après leur interdiction », indique la Dr Inès Braham (CHU de Nice). Parmi eux, les pesticides organochlorés comme le DDT, dont la demi-vie est de l’ordre de 5 ans. Utilisé massivement dans le domaine agricole depuis les années 1940, il a été interdit en 1971 dans les pays industrialisés. La dioxine, dont l’effet toxique sur la fertilité masculine a été révélé à la suite de l’accident de Seveso en 1976, est un POP retrouvé dans les incinérateurs de déchets, les usines chimiques ou métallurgiques. Les PCB (polychlorobiphényls), utilisés pour leurs propriétés isolantes et lubrifiantes et comme plastifiant pour les revêtements de surface, ont été interdits en 1987 en France. Les polybromo-diphényléthers (PBDE), retardateurs de flamme, se retrouvent dans plus de 70 % des objets du quotidien. Les composés perfluorés sont utilisés comme imperméabilisants dans le textile, ainsi que dans les emballages alimentaires, les poêles anti-adhésives, etc.
Parmi les PE à demi-vie courte, le bisphénol (BPA) a été interdit en France en 2015. On le retrouvait dans les biberons, les emballages alimentaires, les canettes et boite de conserve. Il diffuse dans les aliments, surtout lors du réchauffement de ces plastiques. Les phtalates sont aussi utilisés dans la fabrication de plastiques. Les parabènes sont des composants fréquents dans les cosmétiques et produits d’hygiène. Les triclosans et triclocarbans, hydrosolubles, antibactériens se retrouvent dans les produits d’hygiène. Des applications telles que « Quel Produit » permettent de vérifier leur présence dans les produits du quotidien.
À côté de ces PE synthétiques, certains sont d’origine naturelle, comme les phytoœstrogènes, principalement retrouvés dans le soja et les produits dérivés.
Des fenêtres de vulnérabilité
Une attention particulière doit être portée à l’exposition de certaines populations vulnérables. Les fenêtres de susceptibilité sont des périodes de la vie au cours desquelles les organes en formation ou développement sont particulièrement sensibles à l’action des PE. « L’impact des PE est plus important in utero, en période néonatale et pubertaire, des étapes cruciales sur lesquelles on doit sensibiliser la population », insiste la Dr Braham. Des sites destinés aux femmes enceintes ou à la période préconceptionnelle permettent de savoir où se trouvent les PE et quelles sont les alternatives, comme 1 000-premiers-jours.fr.
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