Entretien avec le Dr Frédéric Castinetti*
LA CHIRURGIE hypophysaire constitue le traitement de première ligne de la maladie de Cushing. Celle-ci est souvent liée à des micro-adénomes hypophysaires accessibles à la chirurgie, mais parfois difficilement visibles à l’IRM ; aussi, la plupart des équipes considèrent-elles qu’il y a une indication chirurgicale lorsque le diagnostic est certain, même en l’absence d’image. Entre les mains d’équipes spécialisées, les complications chirurgicales sont rares, à condition que toutes les conséquences cliniques de la maladie de Cushing soient contrôlées avant l’intervention. Le déficit corticotrope en post-chirurgical est un des meilleurs critères de réussite de l’intervention, et ces patients devront bénéficier d’un traitement par hydrocortisone pendant une durée variant de six mois à plus de 2 ans, le temps de retrouver une fonction corticotrope normale.
Dans le postopératoire immédiat, le taux de rémission est de 70 à 80 %. « Les résultats sont vraisemblablement moins bons que ce qu’on pensait, le suivi prolongé montrant à distance un pourcentage de rechutes de 15 à 20 %, incitant le plus souvent à recourir à un autre type de traitement : médicaments ou radiothérapie, voire surrénalectomie bilatérale en cas de récidive », insiste le Dr Frédéric Castinetti (Marseille).
Il semble aussi qu’on ne guérisse jamais vraiment complètement d’une maladie de Cushing, le patient gardant des séquelles de type métabolique – surpoids, diabète, HTA – ainsi que troubles de l’humeur, de la mémoire et de la cognition, qui doivent faire l’objet d’une surveillance spécifique même si le bilan biologique s’est normalisé.
Les traitements médicamenteux émergents.
Parmi les médicaments à action centrale, le pasirotide, un nouvel analogue de la somatostatine se fixant sur les récepteurs somatostatinergiques des adénomes corticotropes bénéficie depuis peu d’une AMM pour la maladie de Cushing. Il est prescrit en deux injections sous-cutanées par jour mais un protocole est en cours d’étude avec des injections intramusculaires à longue durée d’action. Son efficacité antisécrétoire est de 30 %, d’autant plus marquée que les taux initiaux sont plus faibles. Il nécessite une surveillance glycémique rapprochée car un traitement antidiabétique a dû être introduit chez 41% des patients non diabétiques et il a dû être renforcé chez 64% des patients diabétiques dans l’étude à l’origine de l’AMM.
La cabergoline, agoniste D2 dopaminergique, a aussi une action centrale. Son efficacité est de 30 à 40 % des cas, mais on la réserve essentiellement aux hyperprolactinémies.
La mifépristone (RU 486), seul antagoniste des récepteurs aux glucocorticoïdes, est très rapidement efficace. Elle a l’AMM aux États-Unis et une demande est en cours au niveau européen. Elle bloque les récepteurs aux glucocorticoïdes non seulement au niveau des organes cibles mais aussi au niveau hypophysaire, levant ainsi le complexe.
Elle serait plutôt indiquée dans les formes très sévères ou psychiatriques, du fait de son action en 48 heures. Le blocage des récepteurs glucocortico¨ïdes cause une augmentation de l'ACTH et du cortisol, d'où un maniement délicat avec un risque d'insuffisance surrénalienne difficile à complémenter ; d'augmentation de pression artérielle (50 % des personnes vont faire des poussées hypertensives) ; et d'hypokaliémie.
Enfin, le kétoconazole (Nizoral) est une ancienne molécule qui a été récemment réévaluée dans la maladie de Cushing. « Dans notre étude multicentrique menée chez 200 patients, la plus large étude jusqu’ici lancée dans ce contexte, l’efficacité antisécrétoire au niveau surrénalien est de 50 %. La posologie dans le Cushing débute généralement à 400 mg/jour puis augmente progressivement sous surveillance hépatique (en dermatologie la dose est de 800 à 1 200 mg). Les autorités sanitaires américaines et européennes avaient lancé des alertes sur les risques de toxicité hépatique du kétoconazole utilisé à visée dermatologique, quelques cas d’hépatite fulminante ayant été rapportés. On constate une intolérance hépatique modérée avec augmentation des transaminases à deux voire trois fois la normale dans 15 à 20 % des cas, ce qui amène à réduire la posologie. Au-delà de cinq fois la normale, il faut arrêter le traitement. L’intolérance hépatique n’est pas dose dépendante, mais survient généralement dans le mois suivant l’introduction du traitement ou l’augmentation de sa posologie », explique l’endocrinologue.
Les autres molécules à action périphérique, la métyrapone (Métopirone) et le mitotane (Lysodren) sont également efficaces, mais n’ont pas fait l’objet d’études récentes.
La plupart de ces molécules – sauf la mifépristone – a été évaluée sur leur effet clinique et biologique, en particulier sur le cortisol libre urinaire dès 24 heures. En pratique, ce n’est pas un excellent marqueur, car fluctuant d’un jour à l’autre, ce qui impose de répéter les dosages et d’en faire la moyenne.
Avant et/ou après chirurgie.
Théoriquement, tous les patients devraient pouvoir être opérés. Si leur état de santé ne le permet pas, les traitements sont prescrits soit en pré-interventionnel dans l’optique de permettre une chirurgie à distance, soit au long cours chez une personne très âgée, le traitement prolongé par ketoconazole par exemple n’entraînant pratiquement pas d’échappement thérapeutique.
Après l’intervention, plusieurs options se présentent si l’adénome n’est pas guéri, que ce soit en postopératoire immédiat ou lors d’une récidive à distance : soit proposer un traitement médicamenteux probablement de façon prolongée ; soit opter pour une radiothérapie, s’il reste un fragment adénomateux visible. Elle est efficace dans 60 % des cas mais demande 5 à 10 ans pour agir de façon optimale ; le traitement pharmacologique est donné dans l’intervalle. Enfin, dernière option, la surrénalectomie bilatérale, efficace mais nécessitant une supplémentation à vie.
* Service d’endocrinologie-diabète-maladies métaboliques, Marseille.
Patil CG et al. Late recurrences of Cushing’s disease after initial successful transsphenoidal surgery. J Clin Endocrinol Metab 2008 ;93:358-62.
Annamaria Colao et al, A 12-Month Phase 3 Study of Pasireotide in Cushing’s Disease. N Engl J Med. 2012 ; 366:914-24. DOI: 10.1056/NEJMoa1105743.
Castinetti et al. The use of the glucocorticoid receptor antagonist mifépristone in Cushing’s syndrome. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2012 ;19(4):295-9. doi: 10.1097/MED.0b013e32835430bf.
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