Augmentation de la consommation de lévothyroxine

Pour qui, pourquoi ?

Publié le 16/12/2013
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Crédit photo : BSIP

Entretien avec le Pr Joseph Emmerich*

LA CONSOMMATION de lévothyroxine est passée de 4 millions à 34 millions de boîtes entre 1990 et 2012, 2,9 millions de Français recevant actuellement du Lévothyrox. Après une augmentation de 35 % entre 2006 et 2012, le nombre de prescriptions semble se stabiliser. La majorité des prescriptions est réalisée par les médecins généralistes, qui constituent 74 % des primoprescripteurs (85 % chez les plus de 65 ans).

Un certain nombre d’éléments peuvent expliquer cette augmentation. Le dépistage est incontestablement meilleur, les médecins étant maintenant parfaitement sensibilisés à ce sujet. Ils suivent les recommandations de diverses sociétés savantes préconisant la recherche d’une hypothyroïdie dans différentes pathologies comme l’hypercholestérolémie, les troubles cognitifs, la dépression, etc.

Le vieillissement de la population explique aussi l’augmentation du nombre d’hypothyroïdies, plus fréquente chez les sujets âgés, avec en particulier un plus grand nombre d’hypothyroïdies iatrogènes : liées à la prescription d’amiodarone, d’antithyroïdiens de synthèse, de produits de contraste iodés, de lithium, de cytokines, de sunitinib… L’utilisation de lévothyroxine est associée à la prise de ces médicaments à hauteur de 15 % avant 65 ans et de 30 % après 65 ans. Le taux de thyroïdite auto-immune reste stable, ainsi que celui des thyroïdectomies, qui représentent 10 % des prescriptions. Il n’a pas été relevé de mésusage de la lévothyroxine, de type prescriptions à visée amaigrissantes.

«Nous avons été surpris de constater que, dans 30 % des cas, on ne retrouve pas de dosage de TSH remboursé au préalable. Mais certains ont pu être réalisés lors d’hospitalisations. Nous devons approfondir ce point », remarque le Pr Joseph Emmerich, Directeur des médicaments en cardiologie, endocrinologie, gynécologie, urologie à l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM).

Une réflexion sur les prescriptions de lévothyroxine.

« Notre analyse a aussi pour but de rappeler aux médecins les règles d’utilisation de la lévothyroxine, qui doivent se conformer aux recommandations faites par la Société française d’endocrinologie. Toute augmentation de TSH ne justifie pas systématiquement la substitution », poursuit-il. Les recommandations de 2006 rappellent que la substitution par la lévothyroxine doit être réservée aux sujets dont le taux de TSH est supérieur à 10 mU/l ou qui ont des anticorps anti-TPO (anti-thyroperoxydase), témoins d’une pathologie auto-immune. Dix à 20 % des femmes et 3 à 5 % des hommes sont porteurs d’anticorps antithyroïdiens mais n’ont ni goitre ni anomalie hormonale ; ils ne requièrent pas forcément un traitement et doivent être adressés à un spécialiste. Il n’y a pas non plus d’indication à traiter les nodules thyroïdiens inférieurs à 1 cm, ni les hypothyroïdies frustres, avec une TSH peu élevée sans élévation de T3/T4. Une petite augmentation de la TSH est quasi physiologique chez les personnes âgées ou en surpoids, et son évolution doit être contrôlée un à deux mois plus tard.

* Directeur des médicaments en cardiologie, endocrinologie, gynécologie, urologie à l’ANSM.

 Dr MAÏA BOVARD-GOUFFRANT

Source : Bilan spécialistes