La question des relations entre la durée de sommeil et l’obésité se pose avec d’autant plus d’acuité que la restriction volontaire de la durée de sommeil est de plus en plus fréquente. Aux États-Unis, la durée du sommeil des adultes a ainsi été réduite d’environ 1 h 30 en quatre décennies, pour se situer actuellement vers 7 heures. Toujours aux États-Unis, la proportion d’adultes dormant 6 heures ou moins par nuit a augmenté de 5 à 10 % entre 1985 et 2004, et ce pour les deux sexes et toutes les tranches d’âge. En France, une enquête réalisée en 2009 par l’Institut national du sommeil et de la vigilance rapporte des données similaires. La durée du sommeil chez les 18-55 ans est de 6 h 58 en semaine et, comme aux États-Unis, un tiers des adultes dort moins de 6 heures par nuit. Cette réduction du temps de sommeil touche également la population pédiatrique, particulièrement les adolescents, dont la moitié dort moins de 8 heures par nuit alors qu’une durée de 8 h 30 à 9 h 15 est recommandée. En France, le manque chronique de sommeil touche 78 % des adolescents pendant la semaine, dette qu’ils tentent de rattraper le week-end.
Or une analyse réalisée en 2009 montre qu’une association épidémiologique entre une durée de sommeil courte et un indice de masse corporelle élevé est retrouvée dans 57 des 62 études menées dans différents pays et sur des populations variées, adultes et pédiatriques.
Dis-moi comment tu dors…
Douze études longitudinales permettent en outre de mettre en évidence le caractère prédictif de la durée de sommeil courte vis-à-vis du risque de survenue d’une obésité, ce lien étant particulièrement fort chez les enfants. Une méta-analyse réalisée à partir d’études menées chez l’adulte (Cappuccio et al, Sleep 2008) souligne l’augmentation du risque d’obésité (OR = 1,55) lorsque la durée de sommeil est inférieure à 5 heures par nuit et deux méta-analyses d’études pédiatriques (Cappuccio et al, Sleep 2008, Chen et al, Obesity 2008) évaluent l’augmentation du risque d’obésité, lorsque la durée du sommeil est réduite, à 58 % et 89 %, respectivement. L’étude de Chen met également en évidence un risque accru chez les petits garçons (risque multiplié par 2,5) et un « effet-dose », chaque augmentation d’une heure de la durée de sommeil s’accompagnant d’une réduction de 9 % du risque d’obésité.
Des données confirmées par celles de deux études épidémiologiques transversales : une durée de sommeil courte (moins de 6 heures) multiplie par 4 le risque d’obésité comparativement à une durée de sommeil supérieure à 7 heures, impact qui est ainsi supérieur à celui de la prise alimentaire ou d’un défaut d’activité physique intense (Chaput et al, Obesity 2009). Et chez l’enfant, le premier facteur de risque d’IMC élevé est la durée de sommeil (Chaput et al, Int j Obes 2006), avant l’obésité parentale, le niveau socio-économique, la sédentarité et le nombre d’heures passées à regarder la télévision.
Le couple leptine/ghréline en cause?
Des études expérimentales ont permis d’évaluer l’impact de la durée du sommeil sur la régulation neuroendocrinienne de l’appétit. Chez l’homme jeune sans surcharge pondérale, en cas de restriction de sommeil, les taux de leptine, hormone sécrétée par les adipocytes et qui inhibe l’appétit, sont réduits, qu’il s’agisse des taux sur 24 heures, du taux maximal ou de l’amplitude. Cette baisse des concentrations de leptine est similaire à celle observée après une restriction calorique de 900 kcal pendant 3 jours. Une autre étude expérimentale, toujours menée chez des hommes jeunes en bonne santé, montre que la baisse de la leptine et l’augmentation de la ghréline (hormone sécrétée au niveau gastrique qui stimule l’appétit) consécutives à la restriction de sommeil sont associées à une augmentation de la faim et de l’appétit. L’appétence est en outre plus marquée pour les aliments riches en graisses et en sucres. Comme le souligne le Dr Karine Spiegel, si ces 23 à 24 % d’augmentation de la faim et de l’appétit se traduisent par une prise calorique accrue (excès de 350 à 500 kcal/jour), ils sont susceptibles d’entraîner une prise de poids notable chez un adulte sédentaire de poids normal.
Les travaux se poursuivent d’une part pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques impliqués dans les modifications hormonales : déséquilibre du système nerveux autonome, rôle du système orexigénique… Et, d’autre part, pour évaluer l’impact du rallongement du temps de sommeil, notamment chez des petits dormeurs obèses suivant ou non un régime.
D’après la communication du Dr Karine Spiegel (INSERM U1028 - UMR 5292, Faculté de Médecine Lyon Est, Université Claude Bernard) au congrès de la Société Française d’Endocrinologie, 13 octobre 2011.
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