CLARIFY est un registre prospectif international rassemblant des coronariens stables recrutés en 2009-2010 dans 45 pays situés en Europe, Asie, Amérique, Moyen-Orient, Australie et Afrique. Au total, ont été recrutés plus de 32 000 patients présentant un angor et/ou une ischémie myocardique, un antécédent d'infarctus ou de revascularisation coronaire. Parmi ces 32 700 coronariens du registre, près d'un sur trois (29 %) présente un diabète de type 2 à l'inclusion.
Une prévalence variable du diabète chez les coronariens
« L'analyse met en évidence une prévalence très variable du diabète de type 2 parmi les coronariens stables, allant de 20 à 60 % avec de fortes disparités géographiques », soulignent les auteurs. Dans les pays du Golfe, près de trois patients coronariens sur cinq (60 %) sont diabétiques. À l'autre extrême au nord de l'Europe, ils sont moins d'un sur cinq (20 %). Entre les deux, on est autour de : 40 % en Inde, 35 % en Amérique latine et centrale, 25 % en Europe et 24 % dans les grands pays du Commonwealth (Royaume-Uni, Australie, Afrique du Sud).
Comparés aux non diabétiques, ces coronariens sont un peu plus âgés (65 vs 64 ans), obèses (36 vs 24 %) et hypertendus sous traitement (82 vs 67 %). Ce sont un peu plus souvent des femmes (25 % vs 23 %). Leur diabète est plutôt bien équilibré (HbA1c moyenne : 7,3 %, 1,8 g/l). Ils présentent par ailleurs plus fréquemment des comorbidités : artérite des membres inférieurs, maladie cérébrovasculaire, antécédents d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IC). Enfin, ils sont un peu plus souvent sous bêtabloquant, thiénopyridine, hypolipémiant, inhibiteur du système rénine angiotensine, antagoniste calcique et diurétique. Parmi eux, 20 % sont sous insulinothérapie.
Un surrisque cardiovasculaire avéré
À cinq ans, le critère primaire (décès, décès cardiaques, infarctus, AVC, IC et revascularisations) est de 11 % chez les 9 500 diabétiques coronariens versus 7,7 % chez les 23 200 non diabétiques du registre. La mortalité totale est de 10,5 % vs 6,8 %. « Après ajustement, la morbimortalité cardiovasculaire associée au diabète de type 2 dans cette cohorte est de 30 % (RR = 1,28 ; [1,2-1,4] ; p < 0,0001) à cinq ans. Une valeur concordante avec celles observées dans les derniers essais randomisés notamment SIGNIFY ou ISCHEMIA », soulignent les auteurs.
Une origine encore inexpliquée
« Deux résultats importants sont à retenir : le pronostic des patients diabétiques affectés d’une atteinte coronaire, comme celui de l'ensemble des coronariens, s'est néanmoins largement amélioré au cours des 20 dernières années. On remarquait auparavant autour de 3-4 % d'évènements par an aujourd’hui on en compte 2 %. Le surrisque cardiovasculaire lié au diabète de type 2 persiste après ajustement, explique le Pr Amar. Quelle est la cause de ce surrisque cardiovasculaire persistant ? Sa physiopathologie reste méconnue. On ne peut en effet pas l'attribuer à l’hyperglycémie, le contrôle strict des glycémies n'améliorant pas vraiment ce surrisque. Il a probablement son origine dans le mécanisme qui conduit à l’agrégation du diabète avec d’autres facteurs de risque notamment l’hypertension artérielle et la répartition abdominale des graisses. À cet égard, des papiers récents suggèrent l’implication de l’immunité et de la dysbiose intestinale mais aussi de la translocation bactérienne vers les tissus dans la résistance à l’insuline et l’augmentation de la pression artérielle (2-5). Quoi qu'il en soit, en l’absence de cibles thérapeutiques dédiées, une partie du risque cardiovasculaire des diabétiques de type 2 nous échappe encore… ».
Pour une prise en charge thérapeutique et hygiénodiététique
« En pratique on dispose désormais de nouveaux traitements capables de réduire le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 2 indépendamment de leur effet sur la glycémie, rappelle le Pr Amar. C'est le cas des inhibiteurs de SGLT2 qui réduisent chez le diabétique les évènements cardiovasculaires indépendamment de leur effet sur la glycémie. C’est aussi le cas pour les agonistes du GLP1 qui ont un impact favorable sur le risque cardiovasculaire indépendamment de l’obésité. À cet égard, parmi les mesures hygiénodiététiques, l'étude d'intervention Look Ahead (6) menée sur plus de 5 000 diabétiques de type 2 en surpoids ou obèses (IMC : 30-35 kg/m²), n’a pas démontré d’effet bénéfique de la perte de poids sur le risque cardiovasculaire, malgré une perte de poids significative dans le groupe alloué à l’intervention comparé au bras contrôle. Il faut par contre rappeler l’intérêt du régime méditerranéen qui a démontré dans un large essai randomisé une réduction du risque cardiovasculaire en addition au traitement antihypertenseur et hypolipémiant (7) ».
D’après un entretien avec le Pr Jacques Amar (CHU de Toulouse)
(1) Mak KH et al. Prevalence of diabetes and impact on cardiovascular events andmortality in patients with chronic coronary syndromes, across multiple geographical regions and ethnicities. European Journal of Preventive Cardiology 2021; doi:10.1093/eurjpc/zwab011
(2) Amar J et al. Involvement of tissue bacteria in the onset of diabetes in humans: evidence for a concept. Diabetologia 2011;54:3055-61
(3) Amar J et al. Intestinal mucosal adherence and translocation of commensal bacteria at the early onset of type 2 diabetes: molecular mechanisms and probiotic treatment. EMBO Mol Med. 2011;3:559-72.
(4) Wang X et al. Interleukin-22 alleviates metabolic disorders and restores mucosal immunity in diabetes. Nature 2014;514:237-41.
(5) Wilck N et al. Salt-responsive gut commensal modulates TH17 axis and disease. Nature 2017;30(551):585-9.
(6) The Look AHEAD Research Group. Cardiovascular Effects of Intensive Lifestyle Intervention in Type 2 Diabetes. NEJM 2013;369:145-54
(7) Estruch R et al. PREDIMED Study Investigators. Primary Prevention of Cardiovascular Disease with a Mediterranean Diet Supplemented with Extra-Virgin Olive Oil or Nuts. N Engl J Med. 2018 Jun 21;378(25):e34.
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