Le(s) coût(s) des diabètes en France

Une mise à plat s’impose

Publié le 21/05/2015
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Rémunérer enfin l'éducation thérapeutique

Rémunérer enfin l'éducation thérapeutique
Crédit photo : PHANIE

Aujourd’hui, partout dans le monde, le diabète est reconnu comme étant une maladie fréquente. Elle touchera un demi-milliard d’individus dans 15 ans. Sa prévalence s’accroît, en particulier dans les pays émergents (Afrique, Inde) ou en cours de développement rapide – Maghreb, Moyen-Orient, Chine, Asie et Océanie – où elle progresse plus qu’en Europe ou aux États-Unis. Il n’est donc pas surprenant que tous les systèmes de santé, surtout là où ils assurent une large couverture des dépenses de santé, s’inquiètent de la montée de son coût économique. Ailleurs, ce sont les personnes atteintes et leur entourage qui en assument le fardeau économique.

Les sujets qui fâchent

En France, nous commençons à disposer de plus de données, mais certains coûts manquent, comme les coûts indirects et celui des hypoglycémies ou des hospitalisations évitables (lire articles ci-dessous). La progression de l’incidence du DT2 semble ralentir depuis 3 ans et les dépenses, dans le même temps, sont relativement bien maîtrisées. La progression est moindre que pour la moyenne des autres pathologies coûteuses. En dépit de l’image du « médecin français panier percé », les professionnels – certains du moins – ont joué le jeu, et les incitations institutionnelles ont porté leurs fruits.

Mais il reste de bon ton d’éviter certains sujets, ce qui coûte le plus, « le recours encore excessif à des hospitalisations et le manque de solutions alternatives, le coût des soins infirmiers ambulatoires, le morcellement du parcours de soin ». On préfère mettre l’accent sur les « dépenses de médicaments innovants », en leur déniant des bénéfices pourtant démontrés – hypoglycémies, poids, moins d’autosurveillance, meilleure qualité de vie pour un assez grand nombre de malades.

Une vue étriquée

Aujourd’hui, les médecins sont mieux avertis de ce que coûtent leurs décisions, même s’il reste beaucoup à faire. Il n’y sont vraiment incités par les tutelles que pour la rédaction des ordonnances de médicaments et un peu des examens complémentaires. On constate cependant encore trop d’empilements inutiles d’antidiabétiques, qui sont ensuite maintenus une fois sous insuline, trop de prescriptions de GLP1 poursuivies sans évaluer la réelle efficacité, de cuisines thérapeutiques relevant plus des habitudes et des croyances que d’un rationnel.

Mais on ne dit pas combien coûte la décision d’hospitaliser un patient, les séjours hospitaliers trop prolongés, ni comment éviter les réhospitalisations ? Quel avantage on aurait à mettre en place des systèmes de suivi des patients fragiles ? Et comment réduire la durée de prescription des infirmiers à domicile pour les injections d’insuline ou d’un agoniste du GLP1 ou pour pratiquer « une » glycémie capillaire ?

Les disparités régionales dans ce domaine ne s’expliquent que par des attitudes ou habitudes médicales et paramédicales sans lien avec les besoins du patient. On préfère fustiger le lobby du médicament et leurs experts alliés ! Pourtant, les économies seraient toutes autres sans pénaliser les patients. Ces économies faites sur les gros postes de dépenses permettraient de payer une meilleure organisation des soins et « enfin » rémunérer l’éducation thérapeutique qui manque totalement de financement, sauf pour quelques acteurs de premier recours, seuls « finançables », alors qu’ils ne sont pas encore en mesure de la pratiquer à grande échelle. Le diabète coûtera plus cher demain parce qu’il y aura plus de diabétiques et qu’ils vivront plus vieux – on s’en réjouit. Il faut donc user à bon escient des médicaments les plus coûteux mais sans omettre que les économies importantes sont peut-être – ou surtout – à faire ailleurs !

Faculté de médecine de Grenoble
Pr Serge Halimi

Source : Bilan spécialiste