Les programmes d'éducation à l'insulinothérapie fonctionnelle se sont beaucoup développés au cours des années 1990. « Les centres hospitaliers et les diabétologues libéraux se sont organisés pour mettre en place ces séances visant à apprendre aux patients à compter leurs glucides pour mieux adapter leurs doses d'insuline à leurs apports alimentaires », rappelle la Dr Sophie Borot (Besançon), très impliquée dans la prise en charge des patients présentant un diabète de type 1 (1). Mais le développement des systèmes de mesure en continu (CGM) du glucose rebat les cartes. « L'Assurance-maladie rembourse désormais le système Freestyle libre mais aussi le Dexcom et le compteur Enlite. Aujourd'hui, plus de la moitié des patients diabétiques de type 1 sont équipés d'un tel système », souligne-t-elle.
Les patients se contrôlent de manière bien plus fréquente. « De 4 à 6 contrôles par jour avant, ils en font 10 à 15 désormais. Et ils ont accès à un grand nombre de données complémentaires sur leur écran : une valeur réactualisée toutes les cinq minutes mais aussi une courbe et une flèche indiquant la tendance à la hausse ou à la baisse. Ces informations leur permettent de prendre des décisions plus pertinentes… Mais cela doit aussi nous conduire à nous interroger sur le contenu des programmes d'insulinothérapie fonctionnelle », indique la Dr Borot.
La fin de l'épreuve du jeûne ?
Premier dogme à remettre en question, l'épreuve du jeûne. « Dans nos programmes, on fait passer cette épreuve aux patients qui doivent jeûner pendant 24 heures, souvent en étant hospitalisés. Cela permet de constater qu'il y a une courbe plate quand ils ne s'alimentent plus, et de déterminer la dose d'insuline basale permettant de garder une courbe plate sans qu'il y ait une hypo ou une hyperglycémie, détaille la Dr Borot. Mais avec les CGM, ce jeûne n'a plus le même intérêt. Désormais, on dispose des courbes du patient durant la nuit quand il ne mange pas. En regardant ces tracés nocturnes, on peut savoir si la dose d'insuline basale est adaptée, ou non ».
« À mes yeux, cela reste un outil intéressant seulement chez certains patients n'ayant pas conscience que c'est leur alimentation qui entraîne des variations glycémiques, ajoute la Dr Borot. Grâce à cette épreuve, ils expérimentent que, lorsqu'ils ne mangent pas, la courbe reste plate et qu'il serait pertinent de réfléchir à la gestion de l'insuline en fonction des apports alimentaires. »
Des réinjections plus précoces
Une autre question est soulevée : celle du moment où le patient peut se réinjecter de l'insuline pour corriger certaines variations. « Habituellement, on disait aux patients de ne pas faire de corrections dans les trois heures qui suivaient une injection d'insuline. Dans ce laps de temps, l'insuline agit encore : réinjecter pourrait conduire à un double effet et à une hypoglycémie. Mais, avec la mesure en continu, les patients voient leur glycémie évoluer et ils sont tentés de corriger sans attendre – et ce souvent de façon appropriée d'ailleurs ! –, rendant ce dogme des 3 heures obsolète », indique la Dr Borot.
Une approche individualisée
Une autre interrogation concerne la forme de cette éducation à l'insulinothérapie fonctionnelle. « Les patients ont désormais accès à des données personnelles très complètes soulevant des questions qui leur sont propres. Ils sont de ce fait moins demandeurs de séances de groupe, standardisées, souligne la Dr Borot. Je pense que nous allons vers une intégration de l'éducation thérapeutique aux soins diabétologiques dans le cadre d'une approche plus individuelle, qui doit répondre à la problématique soulevée par le patient ».
Exergue : La majorité des patients diabétiques de type 1 sont désormais équipés
Entretien avec la Dr Sophie Borot, maîtresse de conférence et PH en endocrinologie-diabétologie au CHU de Besançon.
(1) La Dr Sophie Borot co-animera le symposium « l’insulinothérapie fonctionnelle revisitée » lors du congrès SFD 2019.
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