Depuis plusieurs semaines, l'Agence britannique de sécurité de la santé (UK Health Security Agency) s'inquiète d'un nombre anormalement élevé d'hépatites aiguës d'origine inexpliquée chez des enfants. À ce jour, 74 cas (49 en Angleterre, 13 en Écosse et 12 en Irlande du Nord et au pays de Galle) ont été recensés chez des enfants de moins de 10 ans. Les virus de l'hépatite A, B, C, D ou E ont été recherchés, en vain. Dans certains cas, les enfants ont développé une insuffisance hépatique qui a justifié une greffe.
Le syndrome se caractérise par une hépatite aiguë avec forte élévation des transaminases (plus de 500 UI/L), une jaunisse parfois précédée de symptômes gastro-intestinaux, incluant des vomissements. Certains des enfants ont été positifs pour le Sars-CoV-2 ou des adénovirus. Les investigations en cours n'ont, pour l'heure, pas mis en évidence de points communs entre les différents cas, et il est précisé que les jeunes patients n'ont pas récemment voyagé. Informé, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a demandé aux différentes agences nationales de signaler tous cas similaires.
Un phénomène à l'importance difficile à apprécier
Contrairement au Royaume-Uni où Public Health England réalise des études d'incidence régulières, il n'existe pas en France de dispositif de surveillance consacré aux hépatites. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l'agence Santé publique France et la Société française de pédiatrie ont cependant appelé les différents spécialistes à la vigilance.
Joint par le « Quotidien », le Pr Emmanuel Jacquemin, chef du service d'hépatologie et de transplantation hépatique pédiatriques de l'hôpital Bicêtre (AP-HP), reste prudent, compte tenu du manque d'informations disponibles. « Les hépatites aiguës de cause indéterminée ont toujours existé et représentent 20 à 40 % des hépatites aiguës de l'enfant selon les séries, rappelle-t-il. Les hépatites aiguës de l'enfant peuvent être d’origine virale et le virus de l’hépatite A est souvent en cause. D’autres causes sont représentées par des maladies métaboliques d'origine génétique, des maladies immuno-hématologiques et les hépatites auto-immunes. Aussi des virus inconnus à ce jour peuvent être en cause. On ne peut pas non plus exclure les origines toxiques, qui restent difficiles à mettre en évidence sauf en cas de prise de toxique évidente (paracétamol, amanite) ».
Faute de données épidémiologiques solides, il n'est pas non plus possible pour ce spécialiste d'affirmer le caractère exceptionnel des 74 cas recensés en Grande-Bretagne. « Nous ignorons comment ont été faites les investigations, poursuit le Pr Jacquemin. Le tableau prospectif d'investigation proposé, avec collecte d'urine, de sérum et de sang (source d'ADN) et recherche de virus est plutôt bien fait, mais il faudra sans doute atteindre un peu pour savoir si ces cas présentent véritablement un caractère épidémique. La symptomatologie digestive initiale présentée par les enfants atteints pourrait être en faveur d’une cause virale ». Dans tous les cas il faut rester vigilant et recenser les cas nationaux, les caractériser et les comparer, y compris à ceux du Royaume-Uni. « Une étude prospective exhaustive permettrait d’en préciser l’épidémiologie », remarque-t-il. À ce stade, le Pr Jacquemin met en garde contre une « psychose collective ».
Concernant les quelques enfants qui ont dû être transplantés, le Pr Jacquemin insiste sur le fait que les transplantations hépatiques n'ont « rien d'étonnant » en pédiatrie, mais que « les hépatites aiguës n'en sont pas la première indication ». Les indications prépondérantes chez l’enfant sont les cholestases chroniques, dont la plus fréquente est l’atrésie des voies biliaires.
Responsable de l’unité hépatologie et transplantation hépatique du CHU de Bordeaux, le Pr Victor de Lédinghen est lui un peu plus inquiet par cette flambée de cas outre-Manche. « Les transplantations en urgence pour hépatite aiguë sont très rares chez l'adulte, et elles sont exceptionnelles chez l'enfant », réagit-il auprès du « Quotidien ».
Hypothèse virale
S'il ne faut écarter aucune possibilité, y compris la piste d’une intoxication, la première hypothèse reste celle du virus, « car il y a des symptômes digestifs et des enfants qui deviennent jaunes, poursuit le Pr de Lédinghen. L'hépatite aiguë est, chez les jeunes enfants, souvent causée par le virus de l'hépatite A, mais c'est généralement asymptomatique : on s'en rend compte 20 ans plus tard en faisant une sérologie. »
Les adénovirus repérés pourraient-ils être à l'origine des manifestations hépatiques ? « Les adénovirus ne causent en général pas d'hépatite, répond la Pr Sheila Bird de l'unité MRC Biostatistics de l'université de Cambridge sur le Science Media Centre. Il s'agit tout de même d'une complication rare mais connue de ce virus. » Cette spécialiste des statistiques pointe aussi du doigt la sous-représentation des Anglais par rapport aux Gallois, aux Écossais et aux Irlandais du Nord : 66 % alors que plus de 85 % des jeunes de moins de 15 ans du Royaume-Uni sont anglais, ce qui laisse supposer « qu'il y a une forte probabilité que plusieurs cas n'aient pas encore été diagnostiqués ou qu'il existe des facteurs géographiques ».
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