Grâce à l’arsenal thérapeutique actuel et l’évolution des paradigmes concernant les objectifs de traitement, la qualité de vie des patients occupe aujourd’hui une place centrale dans la prise en charge globale de ces affections (1). En effet, celle-ci n’est pas strictement corrélée à l’activité de la maladie. Elle peut rester altérée chez un patient en rémission profonde, par exemple du fait de l’anxiété liée à la maladie, de symptômes invalidants liés aux complications des chirurgies ou de l’adaptation nécessaire de la vie quotidienne aux contraintes liées aux traitements médicamenteux (2).
La sexualité : un critère essentiel de qualité de vie
On sait que la sexualité est un déterminant majeur de la qualité de vie, d’autant plus chez des patients jeunes, à une époque de la vie où se construit l’identité corporelle et sexuelle (3). On note fréquemment une atteinte de l’image corporelle liée aux effets secondaires des traitements médicaux, notamment la corticothérapie, ou des chirurgies. Il a été montré que les patients suivis pour une MICI souffraient plus souvent de troubles anxieux ou dépressifs, et de fatigue chronique, facteurs fortement associés à des troubles de la sexualité (4).
Dans une étude de 2011 menée grâce au réseau européen des associations de patients, 40 % des sujets interrogés indiquaient que leur maladie les avait conduits à interrompre une relation intime (5). Dans une étude espagnole de 2012, on retrouvait également une influence négative de la MICI sur la sexualité chez 40 % des patients (6). Dans une étude récente réalisée dans les services de gastro-entérologie des Centres hospitaliers universitaires de Bordeaux et Nancy, nous avons pu confirmer que la qualité de vie sexuelle des patients atteints d'une MICI est inférieure à celle d'adultes en bonne santé : plus de la moitié des femmes souffrent de dysfonction sexuelle et la dysfonction érectile touche 40 % des hommes (7). Le vécu de la maladie et son impact psychologique sont des déterminants plus importants que l'activité de la maladie. Le taux de réponse de plus de 80 % de notre étude montre que les patients se sentent fortement concernés par cette problématique. La majorité d'entre eux attendent de leur gastro-entérologue qu'ils prennent en compte cet aspect de leur vie.
Une prise en charge minoritaire
Un volet de notre travail s’intéressait à la prise en compte de cette problématique par les gastro-entérologues, grâce à un sondage anonyme réalisé au cours d’une réunion de FMC. Alors que la quasi-totalité d'entre eux considèrent qu'ils devraient aborder ce sujet avec les patients MICI, seulement une minorité pose effectivement la question (8). La première raison évoquée pour expliquer cette divergence est le manque de connaissances quant à la conduite à tenir en cas de dysfonction sexuelle.
La sexualité est un aspect important de la qualité de vie, telle qu'elle est définie par l'OMS. Néanmoins, elle reste un sujet tabou dans les sociétés occidentales et dans la relation médecin-malade. Aborder le sujet dans une atmosphère bienveillante, proposer des solutions psycho-éducatives ou médicamenteuses simples, prendre en charge l'anxiété et la dépression pourrait améliorer la qualité de vie d'une partie de ces patients. Des études interventionnelles sont nécessaires pour évaluer ces différentes attitudes thérapeutiques.
Les MICI sont des pathologies chroniques, ayant un impact sur la qualité de vie des patients, y compris à distance des poussées inflammatoires (2). Prendre en charge de façon globale un patient atteint d'une MICI signifie l'aider à retrouver une vie normale et satisfaisante dans ses différents aspects, dont la vie intime et sexuelle.
Unité de médecine gastroentérologie-nutrition, CHU de Bordeaux
(1) Williet N, Sandborn WJ, Peyrin–Biroulet L. Patient-Reported Outcomes as Primary End Points in Clinical Trials of Inflammatory Bowel Disease. Clin Gastroenterol Hepatol. 2014 Aug;12(8):1246–56.e6
(2) Peyrin-Biroulet L. What Is the Patient’s Perspective: How Important Are Patient-Reported Outcomes, Quality of Life and Disability? Dig Dis. 2010;28(3):463–71
(3) Buvat J, Glasser D, Neves RCS, et al. Sexual problems and associated help-seeking behavior patterns: Results of a population-based survey in France. Int J Urol. 2009 Jul;16(7):632–8.
(4) Wilson BS, Lönnfors S, Vermeire S, et al. The true impact of IBD. Eur Crohns Ulcerative Colitis Patient Life IMPACT Surv. 2010;2011:2012.
(5) Ghosh S, Mitchell R. Impact of inflammatory bowel disease on quality of life: Results of the European Federation of Crohn’s and Ulcerative Colitis Associations (EFCCA) patient survey. J Crohns Colitis. 2007 Sep 1;1(1):10–20
(6) Marín L, Mañosa M, Garcia-Planella E, et al. Sexual function and patients’ perceptions in inflammatory bowel disease: a case–control survey. J Gastroenterol. 2012 Nov 3;48(6):713–20
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