L’avènement des anti-TNFα a ouvert une nouvelle ère dans la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) dont les deux principales entités sont la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH). Actuellement, chez les patients en perte de réponse à ces traitements, les possibilités d’adaptation thérapeutique se résument à une optimisation (augmenter les doses ou diminuer l’intervalle entre deux administrations), puis à un changement d’anti-TNFα en cas d’absence de réponse à une modification de posologie. Les principaux mécanismes entrant en jeu dans la perte de réponse clinique à un anti-TNFα sont une augmentation de la clairance de la molécule (impliquant une baisse du taux circulant de la molécule) et, dans certains cas, la survenue de phénomènes immunoallergiques (apparition d’anticorps dirigés contre l’anti-TNFα). De fait, la pharmacocinétique de ces molécules est devenue une aide supplémentaire à la prise de décision en cas d’échappement thérapeutique. Différentes techniques de dosage des taux résiduels et des anticorps antimédicaments existent aujourd’hui (ELISA, radioimmunoassay, HMSA) dont le choix dépend des faisabilités locales et du coût.
Un algorithme de prise en charge
Concernant l’interprétation des résultats, il a été montré, avec l’infliximab et l’adalimumab, que les taux résiduels moyens sont significativement plus élevés en cas de rémission clinique de la maladie de Crohn ou de la RCH (1,2). De même, la présence de taux résiduels élevés est corrélée à un contrôle de l’inflammation tant sur le plan biologique qu’endoscopique (cicatrisation muqueuse). À l’inverse, la présence d’anticorps antimédicament est associée à une perte de réponse clinique et/ou à l’apparition de d’effets secondaires (3,4). Il est à noter que les anticorps antimédicaments peuvent être permanents (et alors associés à une évolution péjorative) ou transitoires (alors sans conséquence clinique). En théorie, la réalisation de deux dosages successifs positifs permet de définir la présence d’anticorps permanents ; ceux-ci semblent apparaître de manière plus importante la première année suivant la mise sous anti-TNFα, surtout avec l’infliximab, ce qui justifie l’association systématique avec un immunosuppresseur en début de traitement. Ainsi, en cas de perte de réponse clinique, un algorithme de prise en charge fondé sur la pharmacocinétique des anti-TNFα a été proposé (tableau). Pour résumer, quand les taux résiduels sont bas sans anticorps antimédicament, une optimisation du traitement peut-être proposée ; quand des anticorps antimédicament sont détectés (notamment s’ils sont permanents et/ou élevés) un switch d’anti-TNFα est envisageable ; enfin, quand les taux résiduels sont élevés chez un malade en perte de réponse, un changement de classe thérapeutique doit être envisagé après avoir confirmé la présence d’une maladie active (CRP +/- ; endoscopie +/- ; IRM +/- ; calprotectine fécale).
Au-delà de l’intérêt de la pharmacocinétique des anti-TNFα en cas de perte de réponse, ces dosages pourraient également être utiles pour la désescalade thérapeutique. En effet, les stratégies actuelles s’orientent de plus en plus vers un traitement maximal d’emblée (association anti-TNFα + immunosuppresseur) pour obtenir une rémission profonde et précoce de la maladie. Plusieurs travaux suggèrent qu’en cas de réponse clinique au traitement et en présence de taux résiduels élevés d’anti-TNFα un arrêt de l’immunosuppresseur peut être envisagé (6). Des études randomisées sont en cours.
De nombreux points restent donc en suspens sur l’intérêt des dosages de médicament et d’anticorps antimédicament (optimisation dans les formes graves dès l’induction, prédictivité de la réponse clinique, intérêt à un monitoring régulier, valeurs seuils, etc.) et font l’objet de travaux dont les résultats sont attendus dans les années à venir. À suivre…
(1) Paul S et al. Inflamm Bowel Dis. 2013 Nov ;19(12):2 568-76
(2) Roblin X et al. Clin Pract J Am Gastroenterol Assoc. 2014 Jan ;12(1):80- 84.e2
(3) Nanda KS et al. Am J Gastroenterol. 2013 Jan ;108(1):40-7;quiz 48
(4) West RL et al. Aliment Pharmacol Ther. 2008 Nov 1 ;28(9):1122 -6
(5) Ben-Horin S et al. Clin Gastroenterol Hepatol Off Clin Pract J Am Gastroenterol Assoc. 2013 Apr ;11(4):444 -7
(6) Drobne D et al. Gastroenterology 2011 ;140:S-62
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