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Helicobacter pylori, la lutte s’intensifie

Publié le 18/11/2016
Helicobacter pylori, la lutte s’intensifie

h.p.
SPL/PHANIE

Si la prévalence de l’infection à Helicobacter pylori tend à diminuer en Europe, pas question pour autant de lever le pied. Au contraire, le nouveau consensus de Maastricht présenté à Vienne lors du congrès européen de gastroentérologie invite à passer la vitesse supérieure en proposant des stratégies thérapeutiques plus longues et plus agressives et en élargissant les indications du traitement. 

Préconisé seulement depuis 2012 pour l’éradication de Helicobacter pylori (HP), le traitement séquentiel n’aura pas fait long feu. La dernière conférence de consensus de Maastricht vient en effet de tirer un trait sur cette stratégie thérapeutique… que l’édition précédente avait consacrée !

L’antibiorésistance en hausse

Ce revirement s’inscrit dans un contexte d’augmentation croissante des résistances de H pylori aux antibiotiques, comme l’a expliqué le Pr Peter Malfertheiner (Magdeburg) qui présentait ces nouvelles recommandations lors du congrès européen de gastroentérologie (UEGW, Vienne, 17-19 Oct. 2016). « Malgré des disparités géographiques, toutes les régions du monde pour lesquelles des données sont disponibles, affichent des taux de résistance aux antibiotiques en hausse ».

Désormais pour la clarithromycine, ces taux avoisinent les 50% en Chine, 40% en Turquie ou encore 30% au Japon. L’Europe n’échappe pas au phénomène avec des niveaux de résistance dépassant presque partout les 15%, exception faite des pays scandinaves, des Pays Bas, de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Irlande. Pour les autres antibiotiques, « la tendance est similaire bien que moins prononcée ».  La France suit le mouvement avec actuellement près de 25% de résistance à la clarithromycine et 17% pour les fluoroquinolones.

Ces résistances croissantes expliquent en grande partie la diminution de l’efficacité de la trithérapie probabiliste à base de clarithromycine (IPP/ clarithromycine / amoxicilline) observée depuis les années 2000. En 2012, cette évolution avait conduit les experts européens à écarter cette trithérapie au profit d’une quadrithérapie séquentielle combinant 5j d’IPP + amoxicilline (pour faire diminuer la masse bactérienne) puis 5j d'IPP +  clarithromycine et métronidazole.

Exit le traitement séquentiel

Le nouveau consensus vient encore modifier la donne en proposant des schémas variables selon les niveaux de résistances du pays considéré. Il confirme l’abandon de la trithérapie dans les pays à taux de résistance primaire à la clarithromycine supérieurs à 15 %. Toutefois, en cas de résistance <15% ou si la souche a pu être testée et s’avère sensible, cette stratégie peut encore être proposée.

La nouvelle feuille de route ne reconduit pas, en revanche, le traitement séquentiel qui s’est révélé au fil du temps moins efficace qu’attendu, là encore du fait de l’augmentation des résistances à la clarithromycine. A la place, les experts préconisent en première ligne un traitement concomitant associant d’emblée IPP, amoxicilline, clarithromycine et métronidazole (quadrithérapie non bismuthée). Selon une revue de la littérature réalisée par le groupe de Maastricht, cette stratégie aurait une efficacité de l’ordre de 87% vs 71% pour le traitement séquentiel. Par ailleurs, « le traitement séquentiel est plus complexe et peut être perturbant pour les patients tandis que le traitement concomitant facilite l’observance avec une tolérance similaire à celle de la trithérapie ».

Autre alternative : la quadrithérapie bismuthée combinant citrate de bismuth, métronidazole, tétracycline (disponible sous forme d’association fixe) et IPP peut aussi être proposée en première intention. Cette option doit être privilégiée dans les pays cumulant des résistances élevées à la clarithromycine et au métronidazole.

14 jours de traitement au lieu de 10

Dans tous les cas, la durée de traitement préconisée a été revue à la hausse. Elle passe de 10 à 14 jours, « sauf si le traitement en 10 jours a démontré son efficacité localement ». En France, le traitement concomitant doit donc être prescrit 14 j. En revanche pour la quadrithérapie bismuthée, la prescription peut être maintenue à 10 jours, cette durée de traitement ayant prouvé son efficacité. 

Autre changement de taille : alors que jusqu’à présent les IPP étaient tous logés à la même enseigne, le nouveau consensus privilégie le rabéprazole et l’ésoméprazole, leur efficacité en terme d’éradication s’étant révélée meilleure, notamment chez les métaboliseurs rapides d’IPP, nombreux dans les pays caucasiens, dont la France. De fortes doses sont préconisées avec 20 mg x2/j pour le rabéprazole et de 40mg x 2/j pour l’ésoméprazole. Selon une étude récente, pour la quadrithérapie non bismuthée, ces optimisations thérapeutiques (augmentation de la durée de traitement et IPP de nouvelles générations à fortes doses) pourraient permettent d’atteindre des taux d’éradication de 91% vs 86% sous quadrithérapie standard.

Une maladie à part entière

Le nouveau consensus de Maastricht tend aussi à élargir les indications du traitement. Dans la lignée du consensus de Kyoto de 2015, les experts considèrent désormais que « la gastrite à H. pylori est une maladie infectieuse en soi, indépendamment des symptômes », dans la mesure où elle peut évoluer de façon relativement fréquente vers des maladies graves comme la maladie ulcéreuse (dans 5 à 10% des cas) et vers des pathologies de type cancer (dans environ 1% des cas ). En conséquence, dans une optique de prévention, « tous les patients infectés par H. pylori requièrent un traitement ». Cette préconisation sous-tend la réalisation de biopsies systématiques à la recherche de la bactérie chez toute personne bénéficiant d’une endoscopie digestive haute quelqu’en soit le motif et un traitement en cas de positivité (sauf comorbidités majeures ou patients très âgés). Une démarche soutenue par la société française d’endoscopie qui s’est récemment prononcée dans ce sens.

Par ailleurs, H. pylori étant aussi un facteur de risque additif d’ulcère gastroduodénal, son éradication est recommandée avant de commencer un traitement prolongé par AINS.

La dyspepsie aussi !

Enfin, la dyspepsie compte désormais parmi les indications pouvant justifier la recherche et l’éradication de H. pylori. Si la dyspepsie est explorée par endoscopie, cette démarche doit être systématique même en l’absence de lésion visible. Pour les dyspepsies non explorées, la recherche de l’infection par test non invasif puis traitement le cas échéant (stratégie de « test-and-treat ») est proposée pour les patient ayant peu de risque d’avoir une lésion maligne (âge< 45 ou 50 ans et absence de signes d’alarme). Cette approche a une efficacité sur les symptômes similaire à celle d’un traitement par IPP tout en permettant la prévention du cancer de l’estomac.

Elle est toutefois sujette à discussions pour des pays comme la France où la prévalence de l’infection à H. pylori est faible (25-30%), à la fois pour des considérations économiques mais aussi pour des raisons de « fiabilité ». En effet, plus la prévalence de l’infection est faible, plus la probabilité, qu’elle soit en cause dans la dyspepsie diminue et, en dessous d’un certain seuil, la valeur prédictive du test baisse avec un risque accru de faux positifs. Pour ces pays, les experts plaident donc plutôt pour une approche endoscopique qui peut « apporter un bénéfice supplémentaire en éliminant une autre pathologie oesophagienne ». 

Dossier réalisé par Bénédicte Gatin