La question du dépistage de l’hépatite E se pose dans le don de sang

Publié le 28/07/2014
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Crédit photo : S TOUBON

« L’histoire des infections virales dans les transfusions sanguines devrait pousser les décisionnaires à se prononcer rapidement ». En cette Journée mondiale de l’hépatite, le message adressé par le Pr Jean-Michel Pawlotsky, virologue à l’hôpital Henri Mondor, est clair.

Les conclusions à tirer de l’étude britannique publiée dans le « Lancet » sur le risque de transmission du virus de l’hépatite E (VHE) par les transfusions sanguines sont à prendre en considération. Elles posent la question du dépistage systématique du VHE dans le don de sang en Europe, y compris en France, et appellent une prise de position politique argumentée.

Le VHE, bien plus fréquent qu’on ne le pensait dans les pays développés n’est pas que de transmission oro-fécale, mais aussi sanguine. Si l’évolution est spontanément favorable dans la majorité des cas, l’infection par le VHE peut être très grave dans certaines populations à risque, comme les immunodéprimés ou les insuffisants hépatiques chroniques.

Fréquent dans les pays développés

À l’aide de la recherche d’ARN viral par PCR, l’équipe de Patricia Hewitt et Richard Tedder a montré sur 225 000 dons de sang collectés sur une période d’un an (2012-2013) dans le sud-est de l’Angleterre que près d’un donneur sur 3 000 est porteur du génotype 3 du VHE (soit 79 donneurs) et que le taux de transmission est de 42 % (18 des 43 receveurs).

Rapportés à l’ensemble du pays, ces chiffres suggèrent qu’entre 80 000 à 100 000 cas d’hépatites E aiguës sont survenues dans l’année. Le temps de séroconversion et la durée de l’infection était fonction du degré d’immunodépression. L’évolution était favorable dans la majorité des cas.

Des populations fragiles exposées

Si les auteurs estiment « qu’il n’y a pas d’urgence », ce n’est pas l’avis du Pr Pawlotsky, qui qualifie ces conclusions de « surprenantes » dans l’éditorial. Les « malades hépatiques » courent le risque d’une hépatite fulminante et les immunodéprimés celui d’une hépatite chronique. Lui et son équipe ont d’ailleurs rapporté, il y a quelques semaines dans le « Lancet », 5 cas d’hépatite E chronique transmise après transfusion sanguine dans une série de 367 patients greffés hépatiques consécutifs. La fonction du greffon s’en est trouvée altérée de façon durable.

« La prévalence du VHE en France a tout lieu d’être identique à celle décrite outre-manche, commente le Pr Pawlotsky. Les chiffres sont eux-mêmes comparables à ceux retrouvés précédemment en Allemagne, ou aux Pays-Bas ». Des études coût-efficacité sont nécessaires, et certaines stratégies de détection pourraient être exploitées, comme celle de l’étude par exemple qui a recherché l’ARN dans plusieurs lots à la fois, avant de tester donneur par donneur en cas de positivité pour identifier le porteur.

The Lancet, publié le 28 juillet 2014

Dr Irène Drogou

Source : lequotidiendumedecin.fr