La prise en charge du CR localement avancé a bénéficié ces dernières années des progrès chirurgicaux, avec la dissection complète du mésorectum et du recours à un traitement néoadjuvant à base de radiothérapie (seule avec un schéma court de 5 Gy en cinq jours ou associée à une chimiothérapie à base de capécitabine selon un schéma de 50,5 Gy en cinq semaines).
Les premiers résultats des études PRODIGE 23 (1) et RAPIDO (2) ont changé récemment les pratiques, en proposant l’ajout en néoadjuvant d’une chimiothérapie plus intensive réduisant les micrométastases.
Un taux de stérilisation tumorale doublé
L’étude RAPIDO (Europe du Nord et États-Unis) a inclus plus de 900 patients atteints de tumeurs du rectum avancées. Ils ont été randomisés pour recevoir soit le traitement classique - radiothérapie associée à la capécitabine suivie de l’exérèse tumorale et éventuellement d’une chimiothérapie adjuvante - soit une radiothérapie plus concentrée (5 Gy par jour pendant cinq jours) suivie d’une chimiothérapie de consolidation par FOLFOX (neuf cycles) ou CAPOX (six cycles) avant la chirurgie. Cette stratégie séquentielle avec une radiothérapie courte et une chimiothérapie néoadjuvante a doublé le pourcentage de stérilisation de la tumeur sur la pièce opératoire (28 versus 14 %). À trois ans, elle a significativement réduit le nombre d’échecs thérapeutiques (23 versus 30 %), avec une survie sans métastases de 27 % (versus 20 %), mais sans impact sur la survie globale (89,1 % versus 88,8 %) ni sur le taux de récidive locale (9 % versus 6 %).
L’étude française PRODIGE 23 (461 patients) a comparé au traitement classique seul (50,5 Gy en cinq semaines et capécitabine) une autre approche néoadjuvante « totale » séquentielle débutant par une tri-chimiothérapie intensive d’induction par FOLFIRINOX (six cycles) suivie de la radiochimiothérapie classique. À trois ans, une amélioration significative de la survie sans maladie (75 versus 68 %) et de la survie sans métastase (72 % versus 79 %) est constatée. Malgré un manque de recul, les courbes de survie globale tendent à se séparer, en faveur du traitement néoadjuvant total (91 % versus 88 % à trois ans), ce qui n'est pas observé dans l'essai RAPIDO. On relève là aussi un doublement du taux de stérilisation de la pièce opératoire (28 % versus 12 %).
« Suite à ces résultats, ces traitements néoadjuvants totaux, beaucoup plus longs, ont été adoptés. En France, il s'agit plutôt d'un schéma de type PRODIGE 23 si le patient est apte à le supporter. Le schéma RAPIDO est réservé aux patients non éligibles au FOLFIRINOX, mais il nécessite un accès rapide à la radiothérapie, ce qui peut constituer un frein compte tenu des délais constatés dans un certain nombre de centres en France », explique la Pr Astrid Lièvre.
Vers une diminution des exérèses chirurgicales ?
La possibilité de stériliser la tumeur a amené certaines équipes à proposer une stratégie de « watch and wait », s’exonérant de la chirurgie rectale sous surveillance rapprochée en cas de réponse complète. Cette stratégie, pas encore totalement validée, a été évaluée dans l’étude OPRA (3). Celle-ci a comparé la radiochimiothérapie classique à une approche néoadjuvante totale, avec soit une radiochimiothérapie première puis chimiothérapie de consolidation par FOLFOX/CAPOX, soit une chimiothérapie d’induction par cette bithérapie suivie d’une radiochimiothérapie. Les patients étaient ensuite évalués par endoscopie (+/- biopsies) et IRM rectale. En cas de réponse complète, une surveillance rapprochée était proposée. Dans le cas contraire, les patients avaient une chirurgie rectale. Les résultats vont dans le sens de l’optimisation des traitements néoadjuvants par une chimiothérapie d’induction ou de consolidation, et sont équivalents pour ces deux approches en termes de survie sans maladie et sans métastase. Mais, le taux de survie sans chirurgie rectale est en faveur du bras consolidation (59 % versus 43 % de zéro à trois ans). Il reste également à déterminer le protocole d’évaluation optimal pour obtenir la réponse tumorale complète, puisqu’on ne dispose pas de la pièce opératoire dans ce cas.
Mais une chimiothérapie plus intensive permettrait-elle de se passer de la radiothérapie ? Pour y répondre, l’étude randomisée française NORAD01 (4) compare une chimiothérapie néoadjuvante seule par FOLFIRINOX, suivie de la chirurgie rectale, à l’approche de type PRODIGE 23 avec six cycles de FOLFIRINOX suivis d’une radiochimiothérapie étalée classique puis de la chirurgie rectale, avec pour objectif la survie sans progression à trois ans. Dans un avenir relativement proche, une prise en charge sans radiothérapie, ni intervention, sera peut-être envisageable chez certains patients…
D’après un entretien avec la Pr Astrid Lièvre (CHU de Rennes)
(1) Conroy T et al. Lancet Oncol. 2021 May ; 22(5), 702-715
(2) Bahadoer RR et al. Lancet Oncol. 2021 Jan;22(1):29-42
(3) Garcia-Aguilar J et al. ASCO 2020; abstract 4008
(4) NORAD01, ClinicalTrials.gov Identifier: NCT03875781
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