Colloque sur l’impact du prix des médicaments contre l’hépatite C

Les associations proposent la licence d’office pour réduire le prix des antiviraux directs

Publié le 06/11/2014
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Crédit photo : PHANIE

Peu d’informations filtrent sur l’avancée des négociations au sein du Comité économique des produits de santé (CESP) qui battent leur plein autour du futur prix du traitement de l’hépatite C, le sofosbuvir commercialisé par Gilead sous le nom de Sovaldi. Si jamais ces dernières devaient aboutir à un tarif non satisfaisant, les associations réunies lundi en colloque envisagent une mesure extrême : la licence d’office. Ce dispositif jamais utilisé en France peut être mis en place par l’administration chargée de la propriété intellectuelle au sein du Ministère de l’économie sur demande du ministère des affaires sociales et de la santé. Interrogés par le « Quotidien » sur ce qu’ils estiment être un prix raisonnable pour 12 semaines de traitement par le sofosbuvir, les responsables associatifs sont restés prudents, estimant que ce n’était pas à eux de définir ce prix. Pour l’instant, 12 semaines de traitement par le sofosbuvir coûte 56 000 euros aux pharmacies hospitalières, il s’agit du prix exigé par Gilead dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) accordée par l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) et qui est toujours en cours jusqu’à ce que le prix soit fixé par le CESP.

Un prix plafond et la gratuité des ATU nominatives

Les différentes associations présentes ont assorti cette prise de position de deux revendications : fixer un prix « plafond » des traitements autorisés dans le cadre d’une ATU de cohorte, et la gratuité des médicaments prescrits dans celui des ATU nominatives. La mise en place d’un prix « plafond » est un dossier très épineux, car il devrait vraisemblablement être fixé au cas par cas selon des critères à définir. C’est néanmoins un sujet important aux yeux de Yann Mazens coordinateur du collectif interassociatif TRT5 car « les négociations de prix partent de celui établi lors de l’ATU, déjà très élevé ».

Un « prix injustifié » selon les associations

Le sofosbuvir a déjà occasionné une dépense de 850 millions d’euros de la part des hôpitaux français depuis le début de l’ATU. Une somme qui ne trouve pas de justification aux yeux des associations. « Le sofosbuvir n’est pas si miraculeux que ça » affirme Marianne L’Hénaff, « il n’est efficace qu’en association à un autre AVD. Seul, il ne traite que les génotypes 2, et est moins efficace chez les hommes, chez les patients de plus de 75 kg ou qui ont une charge virale supérieure à 800 000 unités par millilitre. » Pour traiter les malades les plus graves, le sofosbuvir doit souvent être utilisé en association avec le daclatasvir (Daclatasvir, Bristol Myers Squibb), qui bénéficie d’une ATU de cohorte depuis mars, ce qui double presque le prix final. Le Pr Victor de Ledinghen, secrétaire de l’association française pour l’étude du foie modère la sévérité de ces propos : « il n’y a pas une semaine sans que l’on n’annonce pas à un patient qu’il est définitivement guéri » grâce au sofosbuvir.

11 milliards de dollars pour une start-up

Les détracteurs du prix du sofosbuvir estiment que Gilead cherche avant tout à rentabiliser l’achat pour 11 millions de dollars à Pharmaced, la start-up à l’origine de la mise au point de la molécule du sofosbuvir.

Le président de Gilead France Michel Joly réfute cette accusation : « Cet argument ne rentre pas en ligne de compte dans les discussions en cours avec le CESP. Le coût d’un médicament dépend de celui de la recherche, du coût de la production et du prix de développement d’autres molécules qui elles n’arriveront jamais sur le marché. Ces aspects ne rentrent jamais en ligne de compte dans les discussions. Ne sont pris en compte que le service rendu et le nombre de patients à traiter. » Selon le Pr Victor de Ledinghen, un minimum de 15 000 patients seront traités tous les ans en France avec les nouvelles molécules. Michel Joly reconnaît que le traitement d’un tel volume de patients, par ailleurs jugé insuffisant par les associations, est « incompatible » avec un traitement à 56 000 euros, laissant envisager un prix final plus faible.

Débat autour des fibroses F2

Les associations demandent également que soient appliquées les recommandations du rapport d’experts sur la prise en charge des personnes infectées par le VHB et par le VHC remis en mai 2014 par le Pr Daniel Dhumeaux (CHU Henri Mondor, Créteil). Il existe en effet une différence entre les recommandations du rapport Dhumeaux dans lequel les patients atteints d’une fibrose au stade F2 sont considérés comme devant bénéficier des nouveaux traitements, et les recommandations de la HAS qui considère que le traitement de ces patients comme non urgent, et comme nécessitant de documenter au mieux le stade réel de la fibrose avant de traiter.

La France est un des derniers pays de l’Union Européenne où le prix du sofosbuvir. Une douzaine de semaines de traitement coûte 46 000 euros en Belgique, 49 000 euros en Allemagne, et 44 000 euros en Angleterre. Il se pourrait donc bien que le combat des associations soit perdu d’avance. « Le prix ne pourra pas être beaucoup plus bas que dans les autres pays européens » craint Yann Mazens.

* composé du collectif interassociatif pour la santé (CISS), du groupe interassociatif TRT5, du collectif hépatite virale, de SOS hépatite, de Médecin du Monde et du comité pour la santé des exilés (Comede)

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9363