SOFOSBUVIR, INTERFÉRON, RIBAVIRINE, la toute nouvelle trithérapie va amorcer un tournant décisif dans le traitement de l’hépatite C. Si l’arrivée des antiprotéases (bocéprévir, télaprévir) il y a 2 ans à peine avait déjà fait reculer les lignes, les antipolymérases augurent mieux encore, comme le congrès de l’EASL (European Association for the Study of the Liver) s’en est fait l’écho en avril dernier à Amsterdam. Le chef de file des antipolymérases (anti-NSB), le sofosbuvir a confirmé son potentiel en phase 3. La mise sur le marché est prévue dès 2014 pour une utilisation en association avec l’interféron (IFN) et la ribavirine. Et déjà se profilent d’autres associations plus prometteuses : les antipolymérases combinées à d’autres antiviraux de type antiNS5A et/ou à des antiprotéases et/ou de la ribavirine. Autrement dit, des traitements sans IFN, c’est-à-dire sans injections et sans les effets indésirables (asthénie, syndrome grippal, troubles psychiatriques).
Les résultats du sofosbuvir ont de quoi réjouir. Le taux de guérison serait de 80 % à 90 % pour un traitement court de 3 à 6 mois. « La réponse virologique a été évaluée au moins 3 mois après l’arrêt du traitement, explique le Pr Marcellin, hépatologue à l’hôpital Beaujon (Clichy). Dans l’hépatite C, si rechute il y a, elle survient habituellement très vite, dans les semaines suivantes. Qui plus est, en l’absence de rechute, la guérison peut être considérée comme complète. L’organisme est définitivement débarrassé du VHC, à l’inverse d’autres virus pour lesquels l’infection peut rester latente, comme le VIH ou le virus de l’hépatite B ». Les résultats des essais de phase 3 testant le sofosbuvir, viennent d’être récemment publiés dans le New England Journal of Medicine (*).
Une ATU avant l’AMM en 2 014
Une demande d’AMM pour le sofosbuvir a été déposée par les laboratoires Gilead Sciences auprès de l’EMEA. La commercialisation est prévue courant 2014. « Dans l’intervalle, nous attendons que la demande d’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) soit acceptée par l’Ansm pour la fin de l’année, espère le Pr Marcellin. La prescription sera réservée dans ce cadre aux malades relevant de l’urgence. Il faut noter que les patients les plus sévères, en particulier avec cirrhose ou antérieurement non répondeurs peuvent répondre à ce nouveau traitement. Il reste que l’objectif à terme est bien d’arriver à traiter les patients naïfs et d’obtenir ainsi la guérison complète. On le sait, une fois le virus éradiqué, l’inflammation diminue et au fil des ans la cirrhose peut régresser et avec elle les risques de complication, en particulier de cancer du foie ».
Différentes combinaisons à l’étude
« Différentes combinaisons sont actuellement à l’étude, explique le Pr Patrick Marcellin. Les résultats préliminaires sont très encourageants. Ce sera l’association de 2 ou 3 médicaments avec antipolymérase, anti NS5A, antiprotéase, ou ribavirine, mais sans IFN. Dans les services français qui participent à de nombreuses études, on a pu constater chez les malades d’excellents résultats avec ces nouvelles combinaisons thérapeutiques. Depuis plus de 25 ans que je m’occupe du traitement de patients atteints d’hépatite C, cette évolution constante très favorable fait vraiment plaisir à voir. Au tout début de ma carrière, les chances de guérison n’allaient pas au-delà de 10 %. Désormais il est réaliste d’espérer une "Happy End" dans l’hépatite C d’ici quelques années. Les patients tolèrent si bien le traitement, qu’ils nous demandent même s’il est bien vrai qu’ils n’ont pas reçu un placebo ! Le rêve serait d’arriver à simplifier le traitement sous la forme d’1 cp/jour ! ». De plus, des protocoles spécifiques sont en cours d’évaluation dans certains sous-groupes de malades, pour lesquels les résultats des essais thérapeutiques actuels n’apportent pas de réponse. Comme c’est le cas par exemple chez les patients co-infectés VIH, transplantés, hémodialysés, cirrhotiques, ayant des manifestations extra-hépatiques ou chez les enfants.
Si en théorie le traitement de l’hépatite C devrait être simplifié, il en va autrement en pratique. « La réelle perte de chances est la saturation des centres référents, déplore le Pr Marcellin. Dans les services spécialisés, le délai d’attente est souvent de plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous de consultation, ce qui représente des centaines de patients en "stand-by". Le phénomène va aller en s’accentuant avec l’ouverture des critères de traitement, puisque les traitements sont plus efficaces et de mieux en mieux tolérés. La trentaine de pôles de référence en France n’ont pas les moyens d’être à la hauteur de l’enjeu ». Au vu des gains importants sur la morbi-mortalité (moins d’insuffisance hépatique, de cirrhose, de cancer du foie, de transplantation hépatique), les bénéfices du traitement en termes de santé publique et d’économie de la santé justifieraient pourtant de réévaluer cet état de fait.
*N Engl J Med 2013;368:1878-1887. N Engl J Med 2013; 368:1867-1877. * European Association For The Study of The Liver
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