La stéatose hépatique non alcoolique (NASH) constitue « un enjeu de santé publique croissant » dont « nous ne voyons que la face émergée », affirme le Dr Lawrence Sarfaty du service d'hépatologie de l'hôpital Saint Antoine (AP-HP), en ouverture de la « Paris Hepatology Conference ».
D'évolution lente, la NASH a longtemps été ignorée. Pourtant, « près de 80 % des cirrhoses considérées autrefois comme idiopathiques seraient en fait dues à une NASH », révèle le Dr Sarfaty. La NASH expliquerait 60 à 70 % des perturbations inexpliquées du bilan hépatique. Les raisons de l'augmentation du phénomène : le surpoids et le diabète dont l'incidence progresse de façon continue, et qui constituent avec l'hypertension artérielle les principaux facteurs de risque de NASH.
La principale préoccupation des hépatologues est liée au fait que ces patients ne fréquentent pas leurs consultations, mais plutôt les services de diabétologie, de cardiologie où les médecins ne sont pas formés à dépister cette maladie. « Le dépistage des patients à risque, obèses et/ou diabétiques, peut se faire via les marqueurs sériques, mais ce n’est pas spécifique », reconnaît le Dr Sarfety.
Un score pour rapatrier les patients vers l'hépatologie
Le Dr Jérôme Boursier et coll. ont publié dans « Journal of Hepatology », les résultats de l'évaluation d'un algorithme simple, eLIFT, utilisable par les non spécialistes qui intègre l'âge du patient, le sexe, le taux de γ-GT, le taux de prothrombine et la numération des plaquettes. Avec une sensibilité de 78 % et un taux de faux positif de 53.8 % eLIFT se révèle être un bon moyen d'établir une suspicion de NASH à adresser à un service d'hépato gastro-entérologie. L'association de eLIFT et du test sanguin FibroMeter parvenait à une sensibilité de 76,1 % pour la fibrose et de 92,1 % pour la cirrhose.
Il n'existe pas de traitement dédié à la NASH. Seulement la perte de poids grâce à un régime hypocalorique et la pratique régulière d'une activité physique donnent quelques résultats. Une perte de poids de 5 à 7 % permet d'améliorer la fonction hépatique, comme le démontrent les résultats présentés par le Dr Kittichai Promrat, du centre médical Warren Alpert (Providence, Rhode Island) dans « Hepatology » en 2009. En 2015, une étude cubaine menée sur 293 malades ayant une NASH sans cirrhose, publiée dans « Gastroenterology », avait montré qu'une perte de poids de 10 % conduit à une disparition des signes histologiques de la NASH dans 90 % des cas. Problème : les médecins caribéens n'étaient parvenus à obtenir une telle réduction du poids que chez 10 % de leurs patients.
Une prévalence encore méconnue en France
Les NASH constituent les 20 % de stéatose métabolique non bénignes, et sont accompagnées ou non de signes inflammatoires. Aux États-Unis, 3 à 5 % de la population générale, et 19 % de la population obèse, sont atteints de NASH. En France, on ne dispose pas de données fiables. Une étude est en cours de montage avec les participants de la cohorte Constances, afin de mieux connaître la prévalence de la pathologie.
On estime que 100 à 180 millions de patients sont atteints de NASH dans le monde, soit 10 % des patients atteints de maladies chroniques hépatiques. La part des NASH dans les pathologies chroniques du foie devrait atteindre 25 % dans 10 ans, conséquence de la diminution prévues des hépatites et de l'évolution des modes de vie.
« Une étude anglaise montre que la stéatose non alcoolique est désormais la première cause de carcinome hépatocellulaire au Royaume-Uni, explique le Dr Serfaty, aux États Unis, il s'agit de la deuxième cause de transplantation », avec une augmentation de 170 % en 10 ans. « En France, environ 10 % des transplantations hépatiques ont pour cause une NASH, mais cette part est appelée à augmenter », conclut le Dr Serfaty.
Il n'existe pour l'instant aucun traitement spécifique des NASH : seule une intervention sur le mode de vie peut être tentée. Plusieurs molécules sont toutefois en développement, dont 2 sont déjà en phase III : l'acide obéticholique et l'élafibranor.
Kittichai Promorat et al, Randomized controlled trial testing the effects of weight loss on nonalcoholic steatohepatitis, Hepatology du 9 septembre 2009.
Vilar-Gomez et al, Loss through Lifestyle modification significantly reduces feature of nonalcoholic steatohepatitis, Gastroenterology du 9 avril 2015.
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