Réunis en congrès, les hépatologues demandent un dépistage de masse des pathologies du foie

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Publié le 15/01/2018

Les organisateurs de la Paris Hepatology Conférence, qui se tient les 15 et 16 janvier au palais des Congrès à Paris, ont plaidé pour un dépistage à grande échelle des maladies chroniques du foie par le biais du dosage des transaminases.

Le Pr Patrick Marcellin (hôpital Beaujon, AP-HP) et le Dr Lawrence Serfaty (hôpital Saint-Antoine, AP-HP) ont notamment souligné la prévalence croissante des stéatoses hépatiques non alcooliques (NASH), qui toucherait désormais 72 millions de personnes en Europe, dont 10 à 20 % présentent une nécro-inflammation.

En France, 10 à 20 millions de personnes sont atteintes, dont 1 à 2 millions vont évoluer vers une cirrhose et possiblement un cancer. « Ce chiffre est sûrement sous-estimé », affirme le Pr Marcellin, pour qui il faut alerter les pouvoirs publics. La NASH rassemble tous les critères de l'OMS pour en faire une maladie à dépister, poursuit-il. C'est une pathologie silencieuse, avec une mortalité et une morbidité importantes. Il existe de plus une prise en charge efficace si elle est précoce. Les transaminases doivent figurer dans les tests de routine, et un niveau même un peu élevé doit déclencher un signal d’alarme chez les médecins généralistes. »

« Le dosage des transaminases a toutes les caractéristiques pour être utilisé dans un dépistage de masse, enchérit le Dr Serfaty : sa sensibilité supérieure à 75 %, son taux de faux positif est inférieur à 10 %. Il est simple, fiable, rapide et peu coûteux. » Cet examen semble pourtant souffrir d’un déficit de considération de la part d’une partie du corps médical. Dans une étude publiée en 2015 dans l’« American Journal of Gastro enterology », il a été montré que, sur 251 patients souffrant de stéatose hépatique non alcoolique (NASH), il n’est fait mention d’un taux de transaminases anormalement élevé que chez 39,4 % d'entre eux. Des mesures hygiéno-diététiques n’ont été préconisées que dans 14,7 % des cas, et seulement 10,4 % des patients ont été adressés à un spécialiste.

En 2012, une enquête menée chez les 352 gastro-enthérologues français montre que plus de 90 % des patients chez qui une NASH est diagnostiquée leur sont adressés à la suite d'un ensemble de signaux parmi lesquels un taux élevé de transaminases.

Toutes NASH ne sont pas évolutives

Dans 80 % des cas, il s’agit d’une stéatose dite « simple » ou « pure », très peu évolutive. L’enquête menée chez les gastro-entérologues français montre que 97 % d'entre eux préconisent plus d’une visite de suivi par an, et 97 % des cas demandent une mesure de la fonction hépatique. Les gastro-entérologues préconisent aussi la mesure régulière de la glycémie (84 % des praticiens) et du taux de cholestérol (74 % des praticiens). « Il existe une grande hétérogénéité des pratiques, et globalement une mauvaise adhésion aux recommandations », note le Dr Serfaty. Il rappelle que « la majorité des cancers surviennent sur des foies non cirrhotiques, ce qui pose un problème : on ne va pas faire une surveillance échographique de tous les patients non cirrhotiques », prévient-il.

Le Dr Serfaty s’attend à « un bouleversement des typologies de maladies chroniques du foie dans les années à venir ». Alors qu’actuellement seulement un tiers des pathologies hépatiques chroniques sont d’origine non virale, les NASH représentant 10 % du total, les maladies du foie d’origine non virale représenteront la moitié des pathologies chroniques hépatites, et les NASH 25 %. On observe de plus une augmentation nette de la prévalence de la NASH chez les enfants. « La prévalence de la NASH suit celle de l’obésité, analyse le Dr Serfaty. Bien que l’on ait des NASH chez des patients non obèses : un patient qui se gave de soda, de fructose et de graisses saturées peut développer la maladie sans être obèse. »


Source : lequotidiendumedecin.fr