La trithérapie de l’hépatite C

Une modification profonde de la prise en charge

Publié le 27/10/2011
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Crédit photo : PHANIE

PAR LE Dr HÉLÈNE FONTAINE*

L’EFFICACITE des associations thérapeutiques varie principalement en fonction du statut du patient (naïf, rechuteur, répondeur partiel [si la virémie a diminué d’au moins 2 log à la douzième semaine d’un traitement précédent par interféron pégylé et ribavirine] ou répondeur nul [si la virémie a diminué de moins de 2 log]) ; de la fibrose et de la cinétique virale précoce.

Le taux de réponse virologique soutenue (RVS) au cours d’une trithérapie incluant du télaprévir est d’environ 72 % chez les patients naïfs, 85 % chez les rechuteurs, 55 % chez les répondeurs partiels et 31 % chez les répondeurs nuls. La sévérité de la fibrose diminue la RVS chez les patients naïfs, répondeurs partiels ou nuls, mais pas chez les rechuteurs. Le taux de RVS est particulièrement faible chez les répondeurs nuls et cirrhotiques (15 %).

Au cours de la trithérapie incluant du bocéprévir, il est d’environ 65 % chez les naïfs, 72 % chez les rechuteurs et 46 % chez les répondeurs partiels (pas de patients répondeurs nuls inclus dans les essais de phase III).

Ces trithérapies comprennent une bithérapie par interféron pégylé alfa-2a ou 2b et de la ribavirine, aux posologies de l’AMM utilisées habituellement, associée aux IP prescrits de la façon suivante :

– télaprévir 375 mg, 2 comprimés toutes les 8 heures avec un en-cas riche en lipides, à partir du premier jour de la bithérapie et pendant 12 semaines (suivies de l’interféron pégylé et de la ribavirine) ;

-ou bocéprévir 200 mg, 4 comprimés toutes les 8 heures avec un en-cas, à partir du 28e jour de la bithérapie, jusqu’à la fin du traitement.

La durée du traitement peut être raccourcie chez les patients ayant une « réponse virologique rapide étendue » (eRVR).

Celle-ci est définie, chez les patients traités avec le télaprévir, par une PCR indétectable de la fin de la 4e semaine de traitement à la fin de la 12semaine. Chez les 60 % de patients naïfs ayant une eRVR, le traitement peut être arrêté à la fin de la 24semaine avec un taux de RVS d’environ 90 %. Chez les autres, il doit être poursuivi, jusqu’à la 48semaine (RVS à 60 %). Chez les patients non répondeurs à une bithérapie préalable, le traitement est poursuivi chez tous jusqu’à la 48semaine.

Chez les patients traités avec du bocéprévir, la eRVR est définie par une PCR indétectable de la fin de la 8à la fin de la 24semaine de traitement ; chez les 47 % de patients naïfs ayant une eRVR, le traitement peut être arrêtée à la 28semaine (RVS à 97 %). Chez les autres, le traitement doit être poursuivi jusqu’à la 48semaine (RVS à 43 %). Chez les non-répondeurs à un précédent traitement par bithérapie pégylée et ayant une eRVR, le traitement peut être arrêté à la 36semaine chez les 46 % de patients ayant une eRVR (86 % de RVS) et poursuivie chez les autres jusqu’à la 48semaine (RVS à 43 %).

Des indications précises.

La trithérapie incluant une de ces deux inhibiteurs de protéase (IP) est indiquée :

– chez les patients naïfs et les rechuteurs, rapidement si lésions de fibrose sont sévères (F3-4), sans urgence si elles sont moyennes (F2) et à discuter au cas par cas si elles sont nulles à faibles (F0-1) ;

– chez les patients répondeurs partiels, rapidement si les lésions de fibrose sont sévères et à discuter chez les autres ;

– chez les patients répondeurs nuls, rapidement si les lésions de fibrose sont sévères mais en prenant en compte l’existence d’alternative thérapeutique (accès à d’autres molécules dans le cadre de protocole thérapeutique) et à discuter au cas par cas chez les autres.

La surveillance virologique comprend une virémie par PCR au début du traitement, à la fin des 4e, 8e, 12e, 24e, 48e semaines et deux semaines après le début de l’IP.

Les règles d’arrêt (pour inefficacité ou échappement) sont :

– chez tous, l’apparition d’un échappement défini par une PCR à nouveau positive après avoir été négative ou une augmentation de la virémie d’au moins 1 log par rapport au nadir ;

– avec le télaprévir, chez les patients naïfs, ARN VHC› 1 000 UI/ml à S4, ≥ 100 UI/ml à S12, ≥ 25 UI/ml à S24 ; chez les patients déjà traités, ARN VHC› 1 000 UI/ml à S4 ou 8, ≥ 100 UI/ml à S12 ;

– avec le bocéprévir, chez les patients naïfs, ARN VHC ≥ 100 UI/ml à S12, ≥ 25 UI/ml à S24 ; chez les patients déjà traités, ARN VHC ≥ 25 UI/ml à S12 ou S24.

Des molécules en développement.

Les nombreuses interactions médicamenteuses des inhibiteurs de protéase nécessitent un interrogatoire approfondi du patient au début et pendant le traitement.

Les principaux effets secondaires de ces médicaments sont l’anémie (hémoglobinémie< 10 g/dl) chez 40 et 50 % des patients traités par télaprévir et bocéprévir, respectivement et les manifestations cutanées chez 54 % des patients traités par télaprévir. Celles-ci, majoritairement sous forme de dermatite eczématiforme (90 %), peuvent évoluer vers une forme plus grave, nécessitant une collaboration rapprochée avec un dermatologue expérimenté (dès le stade 2 de sévérité avec arrêt du traitement au stade 3).

Si l’AMM des IP de première génération représente un véritable tournant dans le traitement de l’hépatite C chronique, les molécules de deuxième génération en cours de développement sont très attendues, afin d’améliorer encore l’efficacité, en particulier dans les autres génotypes comme le 4, la tolérance (par des associations thérapeutiques sans interféron) et de raccourcir la durée des traitements. Cela permettra dans les années à venir de diminuer la morbimortalité secondaire à cette infection.

* Hôpital Cochin, Paris.


Source : Bilan spécialistes