L’infection par le VHE est la principale cause d’hépatite virale aiguë dans le monde, avec environ 3,3 millions de cas symptomatiques chaque année et 44 000 décès. En France, l’augmentation des cas entre 2002 et 2019 est exponentielle (de 9 à 2 600) et majoritairement autochtones. « Mais cela semble se stabiliser », remarque le Pr Jean-Marie Péron (CHU de Toulouse).
Un meilleur dépistage
« Si l’hépatite E est de plus en plus souvent diagnostiquée, c’est grâce à une meilleure connaissance et détection du virus par les médecins, ainsi que l’emploi d’un test sérologique fiable », souligne le Pr Péron. Chez les patients immunocompétents, le diagnostic de l’hépatite E repose à la fois sur la détection des anticorps IgM anti-VHE dans le sérum et la détection des ARN viraux dans le sang ou les selles par PCR, selon les directives de l’Association européenne pour l’étude du foie (EASL). En revanche, seule la PCR est validée chez les immunodéprimés. « Aujourd’hui, la consigne est de tester de manière systématique toute personne présentant une hépatite aiguë, ajoute le Pr Péron. La sérologie du VHE devrait être effectuée devant toute élévation inexpliquée des ALAT. Il faut aussi y penser en cas de perturbation du bilan hépatique supposée d’origine médicamenteuse ; le risque que ce soit une hépatite E est alors de 5 %. De plus, le dépistage est à réaliser en cas de syndrome de Guillain-Barré (SGB) ou d’amyotrophie névralgique, quel que soit le taux d’ALAT. Chez les immunodéprimés, le dépistage est annuel mais s’impose dès que les tests de la fonction hépatique sont anormaux ».
Différents génotypes en cause
Variables selon les pays, huit génotypes et 31 sous-types (dont tous ne sont pas transmissibles à l’Homme) existent. L’hépatite E est principalement une infection d’origine hydrique dans les pays en développement (ingestion d’eau contaminée par des excréments humains), à l’origine d’épidémies provoquées par les génotypes 1 et 2 du VHE et affectant les sujets jeunes (15-30 ans). Les génotypes 3 et 4 du VHE se rencontrent plutôt dans les pays développés, comme la France, et sont endémiques chez certaines espèces animales, en particulier le porc. Ils sont responsables d’hépatites autochtones sporadiques, dont la transmission est très majoritairement zoonotique, via l’ingestion d’aliments contaminés (à base de porc, sanglier ou cerf, crus ou insuffisamment cuits).
La transmission par transfusion de produits sanguins est également possible. En France, la prévalence de la virémie au VHE chez les donneurs de sang est estimée à 1/800 (1).
Des patients à risque
La progression de l’hépatite E aiguë est généralement asymptomatique et guérit en quatre à six semaines, sans traitement. Dans les pays développés, elle affecte généralement les hommes (sexe ratio de 4/1) d’âge moyen, souvent avec une consommation excessive d’alcool (2). L’ictère est présent dans environ 43 % des cas des formes symptomatiques (3). Les symptômes, aspécifiques (asthénie, diarrhée, nausées, fièvre, arthralgie, vomissements et douleurs abdominales), sont communs aux autres hépatites virales.
Les cirrhotiques et les sujets âgés sont des patients à risque de décompensation et de décès (4). L’hépatite aiguë E est virulente lorsqu’elle est symptomatique, d’où un pourcentage élevé de patients hospitalisés (74,5 %). Les taux d’ALAT sont généralement très augmentés (1 000-3 000 UI/l), mais variables en fonction du moment du diagnostic. Quant aux formes chroniques, elles se rencontrent uniquement chez les immunodéprimés ; les enzymes hépatiques sont alors modérément élevées et les patients souvent asymptomatiques.
La ribavirine en cas d’infection chronique
La surveillance des tests de la fonction hépatique est recommandée pour détecter l’évolution vers une hépatite aiguë sévère. Chez les patients greffés d’organes solides avec une forme chronique, la réduction de l’immunosuppression induit une clairance virale dans 30 % des cas. Lorsque l’infection chronique persiste malgré la diminution de l’immunosuppression, il existe un risque d’évolution vers la cirrhose. Le traitement repose alors sur la ribavirine pendant trois mois (hors AMM), avec une guérison dans plus de 70 % des cas. En cas de rechute, six mois supplémentaires sont nécessaires. L’ajout de l’interféron est nécessaire en cas d’échec.
Un vaccin recombinant (HEV 239) a été développé en Chine, mais n’est pas utilisé dans les pays occidentaux.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Marie Péron, service d’hépatologie (hôpital Purpan, Toulouse)
(1) Gallian P et al. Transfusion. 2017;57(1):223-4.
(2) Mansuy JM et al. J Clin Virol. 2009;44(1):74-7.
(3) Abravanel F et al. J Infect. 2018;77(3):220-6.
(4) Péron JM et al. J Viral Hepat. 2007;14(5):298-303.
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