C’est une véritable démonstration de l’efficacité de la thérapie génique de la thalassémie qui va être présentée lors du 59e congrès annuel de la société américaine d’hématologie (ASH) qui se tiendra du 9 au 12 décembre à Atlanta.
Plus de 3 ans après leur traitement, 14 des 22 patients de l’étude Northstar, dont 4 pris en charge à l’hôpital Necker par le Pr Marina Cavazzana, n'ont plus besoin de transfusions sanguines ; les autres ont vu leurs besoins en transfusion baisser de façon très significative.
Lors de la première présentation, le Dr Janet Kwiatkowski, directrice du centre spécialisé dans le traitement de la thalassémie de l’hôpital pour enfants de Philadelphie, a présenté les données de 18 patients américains âgés de 12 à 35 ans. Huit patients homozygotes ß 0/ß 0 (les plus sévères) et 10 patients hétérozygotes, c’est-à-dire ne portant qu’une seule version du gène ß 0 ne produisant aucune chaîne bêta de l’hémoglobine, ainsi qu’un autre allèle codant pour une forme non fonctionnelle de cette même chaîne bêta.
Ces patients ont d’abord subi un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques qui ont été modifiées à l'aide du vecteur lentiviral darolentivec (BB305), mis au point par la firme américaine Bluebird bio, et codant pour une version normale du gène de la bêta-globine. Après vérification de leurs niveaux de prolifération, une quantité médiane de 8,1 millions de cellules par kg et par patient, a été greffée, après destruction par chimiothérapie des cellules souches toujours présentes chez les malades. « Nous attendons une période d'aplasie de 2 à 3 semaines avant de greffer les nouvelles cellules », précise le Pr cavazzana.
Au cours d’un suivi médian de plus de 2 ans, 8 des 10 patients hétérozygotes n’avaient plus besoin de transfusion sanguine dont 6 sont considérés comme totalement indépendants. Les 2 autres patients de ce groupe ont réduit le volume de leurs transfusions de 30 et 94 %. Chez les 8 patients homozygotes, seulement 2 patients n’ont plus besoin de transfusions, les 6 autres ont vu leur volume de transfusion diminuer de 63 % en médiane. Les 4 patients traités en France ont tous passé plus de 20 mois (41 mois pour le patient le plus ancien) sans transfusion.
La crainte de cancer écartée
La thalassémie est liée à la mutation de 2 gènes bien identifiés et relativement faciles à modifier. Historiquement, il s’agit d’une des premières applications de la thérapie génique, mais elle avait connu un coup d'arrêt en 2002 quand les premiers cas de mutagenèse insertion ont provoqué des cancers. À l’époque, les chercheurs pensaient que les rétrovirus employés s'intégraient aléatoirement dans le génome humain. « On a découvert par la suite qu’il existait des sites préférentiels d’insertion et que les puissants promoteurs des gènes insérés agissent sur les gènes environnants », explique le Pr Cavazzana.
À partir de 2006, les chercheurs changent leur fusil d'épaule et recourent à un virus dérivé du VIH. « Plus de 200 patients ont été traités depuis et aucun n'a développé de cancer », rassure le Pr Cavazzana. Aucun des 22 patients décrits à Atlanta n’a développé de cancer. Les auteurs recensent toutefois des effets secondaires sérieux chez 6 des 18 patients américains (thrombose hépatique, diarrhée, gastroentérite, une thrombose intracardiaque etc).
Un traitement qui reste cher
À la suite de ces résultats, « nous allons démarrer un nouveau protocole en 2018, sous l'égide de l'AP-HP, annonce le Pr Cavazzana, la thérapie génique pourrait devenir un traitement conventionnel remboursable par la sécurité sociale ». La thérapie génique reste un traitement coûteux, 2 fois plus cher qu'une greffe allogénique pratiquée depuis un parent, selon une étude médicoéconomique en court de parution menée par Isabelle Durand-Zaleski et son unité de recherche clinique en économie de la santé d'Île-de-France. « Ces coûts sont destinés à diminuer, estime le Pr Cavazzana. D'une part par la baisse du prix des vecteurs lentiviraux et ensuite parce que nous allons pouvoir traiter les patients plus jeunes avec des quantités d'agent moins importantes. »
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