Contrôle des différences morphologiques entre les sexes

L’alimentation de la mère influence les gènes placentaires

Publié le 09/03/2010
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UNE SEULE étude (Gheorghe et coll., 2009) avait, jusqu’à présent, examiné l’impact de l’alimentation maternelle sur l’expression génique globale au niveau du placenta, mais sans envisager que les réponses au régime puissent varier en fonction du sexe des embryons. Pour tester cette hypothèse, l’équipe de l’Université du Missouri-Columbia a étudié l’influence de trois régimes alimentaires différents donnés à des souris gestantes sur l’expression de 1 972 gènes placentaires : un régime hypocalorique (LF : low-fat), un régime hypercalorique (VHF : very-high-fat) et un régime « chow » (C) basé sur des aliments à base de soja, correspondant, respectivement, à une densité calorique de 10 %, 60 % et 26 %. Les ARN placentaires étaient analysés (par la méthode de micropuces) à 12 jours et demi (milieu de grossesse chez les rongeurs), soit quand le développement morphologique du placenta est achevé.

Les auteurs constatent tout d’abord que l’alimentation donnée aux mères a une influence très étendue sur l’expression génique au niveau placentaire et que les modifications d’expression varient en fonction des régimes. Ainsi au niveau des placentas de sexe féminin, seule une partie des gènes à expression modifiée par rapport au régime C (204/650 gènes surexprimés et 129/700 gènes sous-exprimés) était commune aux groupes placentaires LF et VHF.

Les gènes du dimorphisme sexuel.

L’étude de la relation entre le sexe fœtal (déterminé par la méthode FISH) et les modalités d’expression génique placentaire indique que la grande majorité (651 sur 700) des gènes de dimorphisme sexuel subit une régulation positive au niveau des tissus féminins, mais non au niveau des tissus masculins. En outre, à chaque régime alimentaire correspondent des caractéristiques spécifiques d’expression des gènes de dimorphisme sexuel.

Les chercheurs américains montrent ensuite que le régime influence l’expression d’un certain nombre de gènes impliqués dans la production des hormones placentaires de la famille Prl (importantes pour le maintien de la grossesse), mais aussi dans la fonction rénale, en particulier les gènes de régulation de l’équilibre ionique.

Olfaction.

Il est intéressant de noter, par ailleurs, qu’au nombre des gènes dont l’expression est modifiée par le régime figure un groupe de gènes (les gènes Olfr), impliqués dans la synthèse de récepteurs de l’olfaction. Une régulation positive significative a en effet été observée pour huit de ces gènes au niveau des placentas féminins chez les mères à régime C ou VHF. Ce phénomène pourrait traduire une capacité du placenta à « détecter » la modification des concentrations en molécules odorantes et d’autres composés alimentaires pour en réguler la sécrétion.

Ces travaux suggèrent, au total, que le régime alimentaire maternel, chez la souris, a un impact profond sur l’expression, au niveau du placenta, d’un grand nombre de gènes du dimorphisme sexuel, et que les fœtus de sexe féminin semblent répondre de manière plus prononcée aux influences du régime que les fœtus de sexe masculin. Ces observations incitent à penser que le régime alimentaire de la mère représente une variable importante à prendre en compte lors de l’étude de gènes à modalité d’expression différente en fonction du sexe. On peut enfin se demander si la sensibilité accrue du placenta, chez les fœtus de sexe féminin, aux modifications de l’environnement maternel pourrait avoir un rôle protecteur en amortissant l’effet des perturbations in utero, ce qui expliquerait peut-être l’existence d’un risque plus faible, chez les filles que chez les garçons de mères obèses, de maladies survenant ultérieurement à l’âge adulte.

J Mao, CS Rosenfeld et coll. Contrasting effects of different maternal diets on sexually dimorphic gene expression in the murine placenta. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8724