Le GenoTher Summit organisé ce mercredi 11 juin à Évry marque la naissance du biocluster GenoTher, rassemblant près de 40 acteurs, soudés par l’espoir de construire le mur porteur de la souveraineté française en matière de thérapie génique. « C’est le démarrage de notre activité », affirme, enthousiaste, son président Frédéric Revah, par ailleurs directeur général du Généthon.
L’initiative est née d’un discours de 2022 du président de la République Emmanuel Macron. Parmi les acteurs fédérés par GenoTher, on retrouve des promoteurs bien connus de la recherche clinique (AP-HP, Génopole, Institut de Myologie, etc.), des centres de formation (Université d’Évry Paris-Saclay, Université Paris-Saclay, Centrale Supélec, etc.), des biotechs, des investisseurs (financeurs publics, capital-risque, fonds d’investissement français et étrangers), des collectivités territoriales et des représentants de patients. Le tout est coordonné par un conseil consultatif scientifique international.
140 millions sur 5 ans
GenoTher se veut un « moteur d’innovation alimenté par des partenariats publics-privés transformant les projets les plus prometteurs en start-up », selon Frédéric Revah. Statutairement, il s’agit d’une association à but non lucratif, dotée de 70 millions d’euros d’argent public sur 5 ans accordés dans le cadre du Plan France 2030, auxquels s’ajoutent, à ce stade, 70 autres millions abondés par ses partenaires privés. « Nous bénéficierons aussi d’aides plus ponctuelles de ces mêmes partenaires, sous forme d’argent ou de services », assure la Pr Alessandra Biffi, des universités de Padoue et de Harvard, membre du conseil consultatif scientifique de GenoTher.
Ces 140 millions serviront à mettre en place huit plateformes technologiques s’appuyant sur les savoir-faire des membres du hub. Par exemple, une plateforme centrée sur les modèles de pathologie in vitro et les organoïdes 2D et 3D sera animée par I-Stem, une deuxième consacrée aux vecteurs viraux intelligents sera coanimée par le Généthon et l’Institut Imagine, tandis que d’autres couvriront des sujets aussi divers que la production suivant les bonnes pratiques de fabrication (AP-HP) ou encore les technologies de purification et de contrôle (Généthon). Ces plateformes seront, dans un premier temps, financées par GenoTher, mais « l’idée, à terme, est qu’elles deviennent financièrement autonomes en commercialisant leurs services », prévoit Frédéric Revah.
Un constat frustrant
L’idée de créer un tel biocluster part d’un constat simple. En 2025, déjà 68 thérapies géniques (33 thérapies à ADN et 35 à ARN) ont été approuvées dans le monde, entre 13 et 28 nouvelles approbations sont attendues pour 2025 selon l’Alliance pour la médecine régénérative, et plus de 3 000 sont en développement, boostées par les récentes avancées en matière de vectorisation. En 2018, les revenus mondiaux de ces thérapies atteignaient 450 millions. Sept ans et une pandémie plus tard (les vaccins à ARNm sont considérés comme une thérapie génique), déjà quatre produits de thérapie génique ont acquis le statut de « blockbuster », c’est-à-dire dépassant le milliard de dollars de vente annuelle. Les analystes de l’Alliance estiment que 10 autres produits atteindront ce palier d’ici à 2030, portant le chiffre d’affaires des thérapies géniques à 52 milliards de dollars, dont 10,4 milliards pour les seuls vaccins à ARN.
Hélas, aucun de ces médicaments n’est commercialisé par une entreprise française, alors que plus de 2 700 publications scientifiques à l’origine de ces développements sont issues d’équipes françaises, et que la France recense plus de 60 essais cliniques en cours. « Il y a une frustration à voir que des recherches de pointe faites en France se concrétisent par des développements à l’étranger, regrette Frédéric Revah. Sur les 30 premières thérapies géniques approuvées, plus d’une dizaine est au moins partiellement le fruit de recherches françaises qui ont poursuivi leur chemin à l’étranger. Notre réseau de financement n’est pas à la hauteur ! »
Les États-Unis hégémoniques et une Chine qui accélère
Sans oublier la compétition internationale : au cours des trois premiers trimestres de 2024, les entreprises nord-américaines ont levé 3,5 fois plus de fonds que dans l’ensemble du reste du monde. L’Europe ne compte que 581 entreprises développant des thérapies géniques, contre 1 230 en Amérique du Nord et 1 029 en Asie-Pacifique (chinoises dans leur grande majorité). Et son poids dans le lancement d’essais cliniques s’est réduit de 25 à 10 % en 10 ans, sous l’effet de l’explosion des études en Asie.
GenoTher a pour ambition d’accompagner des projets sélectionnés par son comité d’investissement en leur ouvrant ses plateaux techniques, en facilitant l’accès à un réseau de partenaires potentiels, et surtout en préparant les levées de fonds, complétées par des subventions directes de GenoTher. Autre mission : faire vivre un véritable écosystème favorable aux thérapies géniques. « Il s’agit surtout de créer des synergies avec l’existant », détaille Frédéric Revah. Une mutualisation et une création de ressources pédagogiques doivent favoriser l’apparition de filières de formation. Par ailleurs, les unités de bioproduction françaises sont parties prenantes, notamment les deux plateformes de l’AP-HP (Necker et Meary à Saint-Louis) ainsi qu’YposKesi, créée par le Genopole d’Évry mais passé sous pavillon sud-coréen en 2017.
Pour le Pr Philippe Menasché, chirurgien cardiaque (hôpital européen Georges-Pompidou), chargé de la stratégie médicale de GenoTher, la France a sa carte à jouer. « Même si on a encore beaucoup de progrès à faire, il y a eu des efforts consentis pour accélérer et fluidifier les procédures, insiste-t-il. L’expérience que j’ai des essais menés à l’étranger me pousse à dire que l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs. » Le chercheur s’appuie sur une statistique : la France est actuellement le deuxième pays du continent européen comptabilisant le plus d’essais cliniques en thérapie génique et cellulaire, juste derrière le Royaume-Uni.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024