« PUBLIÉE EN 1985, la découverte de la télomérase par Elizabeth Blackburn est une avancée majeure, bien plus importante encore que l’identification antérieure des télomères », explique au « Quotidien » le Pr Éric Gilson, professeur à la faculté de Médecine de Nice, chercheur spécialiste sur les télomères. « C’est une véritable boîte de Pandorre. Une fois le couvercle ouvert, il en a découlé quantité d’autres recherches et Elizabeth Blackburn a d’ailleurs continué par la suite à produire de nombreux travaux de qualité. Elizabeth Blackburn, je n’ai pas collaboré avec elle mais je la connais bien, car c’est évidemment quelqu’un de très important dans le domaine. »
« On lui doit la grande découverte de la télomérase, cette enzyme qui permet le renouvellement des télomères au cours de chaque division cellulaire. C’est très important en médecine et en recherche, parce qu’en l’absence de la télomérase, les télomères raccourcissent progressivement jusqu’à mettre en péril le destin des cellules », poursuit le chercheur. « C’est d’ailleurs à partir de là, il y a plus de dix ans, en 1997 exactement, qu’avec un chercheur américain, nous avons pu découvrir un mécanisme parallèle et complémentaire qui permet aux télomères de se maintenir indépendamment de la télomérase. Ce mécanisme fait appel à des protéines, qui en se fixant sur l’extrémité de nos chromosomes, vont assurer leur protection. »
« La découverte de la télomérase, ses mécanismes et son existence même, ont permis d’aborder des questions très centrales en biologie : le mécanisme de sénescence des cellules, leur immortalisation et leur transformation cancéreuse. Avant que l’enzyme soit découverte, aucune de ces questions ne pouvait être abordée. Une étape déterminante en particulier, qui n’est pas le fait d’Elizabeth Blackburn, c’est la démonstration que la télomérase est essentielle pour immortaliser les cellules, que ce soit in vitro en laboratoire mais aussi lors du processus de cancérisation. Cette découverte a mis en avant un concept très important : il existe un mécanisme universel, qui compte le nombre de divisions des cellules. Chacun de nous est programmé pour permettre à ses cellules de se diviser un certain nombre de fois. Et ce nombre de fois est limité, afin d’éviter des proliférations cellulaires anarchiques. Quand ce nombre est atteint, les cellules rentrent alors en sénescence. C’est en définitive le même mécanisme qui nous protège contre le cancer et contribue à notre vieillissement. »
Cancers, maladies génétiques, stress, maladies cardio-vasculaires.
« Comme il s’agit d’un mécanisme universel, les applications en médecine sont très nombreuses. À vrai dire, presque tous les domaines de la médecine sont concernés, de près ou de loin. Tout d’abord, il faut nommer les maladies liées à un problème de prolifération, le cancer en première ligne évidemment, mais pas uniquement. On s’aperçoit de plus en plus en effet qu’il existe des syndromes de vieillissement prématuré, qui sont eux aussi liés à des dysfonctionnements de télomères. Quant aux maladies génétiques, elles sont rares mais présentent l’avantage de mettre au premier plan des mécanismes qui agissent à bas bruit à l’état physiologique lors du vieillissement. Des maladies liées à certains stress, comme le stress hémodynamique, sont elles aussi déterminées, entre autres, par l’activité de la télomérase et la taille des télomères. Concernant les maladies cardio-vasculaires, il apparaît que les paramètres télomériques sont des marqueurs prédictifs du pronostic. De nombreuses études épidémiologiques montrent des corrélations étonnantes très positives entre la taille des télomères, l’activité de la télomérase et le risque de développer des maladies cardio-vasculaires. »
« En faisant un peu de médecine fiction, il est vraisemblable que la taille des télomères et/ou l’activité de la télomérase seront utilisés très régulièrement en médecine de routine. Ces paramètres sanguins traduiraient une homéostasie de l’organisme, qui se fait ou qui ne se fait pas », conclut le chercheur. « Des équipes travaillent d’ores et déjà à la miniaturisation de tests destinés à mesurer la taille des télomères. Je ne serai pas surpris si dans les dix ans à venir, ces paramètres trouvent leur place en médecine de routine. Ce sont non seulement des marqueurs pronostics dans des maladies graves, comme le cancer, ou dans des maladies cardio-vasculaires, mais il semble qu’ils soient, de manière encore plus large, des indicateurs du bon fonctionnement de l’homéostasie de nos cellules. »
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