Gynécologie

Hémorragie du postpartum : une stratégie pour réduire le fardeau mondial

Par
Publié le 02/06/2023
Article réservé aux abonnés
La stratégie E-Motive, associant un dispositif de détection précoce de l'hémorragie du postpartum et un ensemble de traitements concomitants préconisés par l'Organisation mondiale de la santé, permet d'améliorer significativement la prise en charge des patientes à travers le globe.
Chaque année, quelque 24 millions de femmes sont victimes d'hémorragie du postpartum

Chaque année, quelque 24 millions de femmes sont victimes d'hémorragie du postpartum
Crédit photo : STEFANIE GLINSKI

Comment détecter précocement l'hémorragie du postpartum et la traiter pour éviter les complications dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires ? Selon un essai randomisé international mené par des chercheurs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'Université de Birmingham au Royaume-Uni, une stratégie thérapeutique, connue sous le nom d'E-Motive, « pourrait constituer une avancée majeure dans la réduction des décès dus aux hémorragies liées à l'accouchement », lit-on dans un communiqué de l'OMS. Les résultats de l'étude, conduite au Kenya, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Tanzanie, sont parus dans le « New England Journal of Medicine ».

Cette stratégie comprend le recours à un « drap » de recueil sanguin permettant la détection précoce de l'hémorragie du postpartum, un dispositif simple et peu coûteux. Elle est combinée à un ensemble de solutions de premier recours recommandées par l'OMS et implémentées de façon concomitante dès le début de la prise en charge lors de l'examen clinique : massage utérin, médicaments ocytociques, acide tranexamique, solutés de remplissage par voie intraveineuse. Avec si nécessaire, une escalade thérapeutique.

Jusqu'à présent, la prise en charge standard repose sur l'utilisation séquentielle de ces approches. Quant au diagnostic, il s'appuie souvent uniquement sur l'inspection visuelle, ce qui sous-estime la perte de sang et peut retarder la prise en charge, explique l'OMS.

Un décès toutes les sept minutes dans le monde

L'hémorragie du postpartum, définie comme la perte de plus de 500 ml de sang dans les 24 heures suivant l'accouchement, est la principale cause de mortalité maternelle dans le monde, rappelle l'OMS. « Chaque année, quelque 24 millions de femmes sont victimes d'hémorragie du postpartum, ce qui entraîne plus de 74 000 décès maternels, soit un décès toutes les sept minutes », indique au « Quotidien » Adam Devall, co-auteur, précisant qu'il s'agit de l'essai le plus important mené sur le traitement de l'hémorragie du postpartum. De nombreux décès seraient évitables par une prise en charge plus optimale.

Au total, 80 hôpitaux de niveau secondaire ont été impliqués, soit 210 132 patientes ayant accouché par voie vaginale. Les patientes ont été randomisées en deux groupes pour recevoir les soins E-Motive ou les soins habituels. Le critère principal d'évaluation était un critère composite incluant l'apparition d'une hémorragie du postpartum sévère (définie par une perte de sang ≥ 1 l), le besoin de réaliser une laparotomie pour hémorragie ou le décès maternel dû à l'hémorragie.

Le critère primaire est survenu pour 1,6 % des patientes du groupe E-Motive contre 4,3 % des femmes ayant reçu les soins standards. « L'amélioration du diagnostic et la mise en œuvre de l'ensemble des traitements se traduisent par une réduction relative considérable de 60 % de l'hémorragie du postpartum sévère, commente Adam Devall. Le nombre de femmes souffrant d'hémorragie du postpartum graves est passé d'environ 43 pour 1 000 femmes à environ 16 pour 1 000. » La stratégie E-Motive a également permis de réduire le nombre de décès toutes causes et le nombre de décès liés à l'hémorragie du postpartum, poursuit-il.

Diminution du recours à la transfusion sanguine

Concernant les critères secondaires, l'hémorragie du postpartum a été diagnostiquée chez 93,1 % des patientes du groupe E-Motive contre seulement 51,1 % de celles du groupe de soins habituels (Rate Ratio = 1,58). De plus, « l'intervention E-Motive fait passer de 19,4 % à 91,2 % l'utilisation de l'ensemble des traitements de premier recours de l'OMS », ajoute Adam Devall.

Une réduction relative de 29 % des transfusions sanguines pour les hémorragies du postpartum est aussi rapportée (1,9 % dans le groupe soins standards versus 1,2 % dans le groupe E-Motive). « Cela signifie que le nombre de femmes ayant besoin d'une transfusion sanguine pour une hémorragie du postpartum est passé d'environ 19 pour 1 000 femmes à environ 12 pour 1 000 », souligne l'auteur. Selon l'OMS, ce bénéfice est particulièrement important dans les pays à faibles revenus où le sang est une ressource d'autant plus rare et coûteuse.

« L'intervention E-Motive permet de surmonter trois difficultés auxquelles sont confrontés les établissements de santé : le retard diagnostique, le retard dans l'administration d'un traitement de première intention efficace et le retard dans l'escalade thérapeutique en cas d'hémorragie persistante », résume Adam Devall.

Cette étude répond à l'une des principales priorités de recherche identifiées par des experts de plus de 50 pays lors du premier sommet mondial sur l'hémorragie du postpartum organisé par l'OMS et le Human Reproduction Programme (HRP) qui s'est tenu en mars.

I. Gallos et al, N Engl J Med, 2023. DOI: 10.1056/NEJMoa2303966

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin