PAR le Dr PHILIPPE FAUCHER*
TROIS types de produits disponibles par voie orale pour la CU sont disponibles en France : les estroprogestatifs, qui ne sont quasiment plus utilisés au profit d’un progestatif, le levonorgestrel commercialisé depuis 2005 (Norlevo), et les modulateurs du récepteur à la progestérone. L’absence d’ethinylestradiol confère à au Norlevo une excellente tolérance digestive ainsi qu’une absence de contre-indications vasculaires et métaboliques. Ces avantages ont permis aux pouvoirs publics d’autoriser sa délivrance sans ordonnance médicale. En 2009, l’ullipristal (Ella one) a été le premier modulateur des récepteurs à la progestérone à recevoir une AMM européenne dans le cadre de la CU. Il est utilisable seulement sur prescription médicale.
Les huit études sur le régime avec du levonorgestrel, incluant plus de 9 500 femmes, ont rapporté une efficacité variant de 59 % à 94 % (1-8). Ce large intervalle permet de comprendre pourquoi la CU par Norlevo n’est pas constamment efficace. Les deux essais randomisés qui ont comparé l’efficacité de l’ullipristal avec le levonorgestrel, ont prouvé la non-inferiorité de l’ullipristal (4, 9). En revanche, une métaanalyse de ces essais a montré une efficacité supérieure de l’ullipristal, mais en se basant sur le taux de grossesse et non pas sur l’efficacité réelle de chaque méthode. Cette supériorité existerait jusqu’à 24 heures, 2 jours et 5 jours après le rapport sexuel (9).
Il n’y a eu aucun cas de décès ou de complications sérieuses en rapport avec l’utilisation de la CU. Les effets secondaires de la prise de levonorgestrel comprennent nausées et vomissements, douleurs abdominales, mastodynies, céphalées, vertiges, fatigue et une modification éventuelle du cycle menstruel. Les effets secondaires de l’ullipristal sont comparables à ceux observés avec le levonorgestrel avec une tendance à l’augmentation de la durée du cycle. Une étude sur 332 femmes enceintes ayant utilisé du levonorgestrel comme CU pendant le cycle de la conception n’a pas trouvé d’augmentation du risque de malformations (10). Il n’y a pas de données pour dire que la CU par voie orale augmente le risque de grossesse extra-utérine (GEU). À l’inverse, comme tous les contraceptifs, la CU diminue le risque absolu de GEU en prévenant la survenue d’une grossesse en général.
En cas d’allaitement, pour limiter au maximum l’exposition de l’enfant au levonorgestrel, les mères doivent l’interrompre au moins 8 heures, mais pas plus de 24 heures, après la prise de la CU. Il n’y a pas de données spécifiques sur les interactions entre la CU par levonorgestrel et les autres médicaments, mais il est raisonnable de penser que les interactions médicamenteuses sont les mêmes que celles observées avec une contraception orale régulière.
L’observance de la contraception habituelle.
Une objection pouvant être faite au développement de la CU est la crainte de voir les femmes devenir moins observantes avec leur contraception habituelle. De nombreuses études sont sur ce point rassurantes : la facilité d’accès à la CU n’augmente pas la prise de risque de grossesse imprévue et n’interfère pas avec la pratique contraceptive régulière. En revanche, aucune étude n’a réussi à démontrer que l’augmentation de l’utilisation de la CU a permis de diminuer le taux de grossesses ou d’IVG dans une population donnée. Le principal problème est que la plupart des femmes n’utilisent pas la CU car elles ne se reconnaissent pas comme à risque d’être enceintes et ne ressentent donc pas le besoin de l’utiliser, même si elles ont déjà les comprimés à la maison.
En France, une étude conduite en 2002 dans quatre centres d’IVG a montré que la non-perception du risque de grossesse est le facteur limitant l’utilisation de la CU le plus important (11). Seulement 38,5 % des femmes étaient conscientes du risque de grossesse au moment du rapport fécondant, parmi lesquelles 48 % ont minimisé le risque et n’ont finalement pas utilisé la CU. Dans l’enquête COCON (12), 3,6 % des femmes indiquent qu’elles ont utilisé la CU pendant l’année de suivi (2001). Ces femmes représentent seulement 11,1 % des femmes ayant un risque de grossesse non prévue. La plupart des femmes n’utilisent la CU qu’une seule fois (72,4 %). Deux raisons principales sont avancées pour expliquer la sous-utilisation de la CU : le manque de connaissance des femmes et des prescripteurs et l’accès restreint.
Faut-il donc conclure par l’idée que la CU ne sert pas à grand-chose ? Sûrement pas. Certaines femmes éviteront d’avorter grâce à la CU et cela n’est pas négligeable. L’obtention d’une CU sans prescription médicale a ouvert de débat sur la possibilité de démédicaliser dans certains cas la contraception. La distribution de la CU à l’école par des infirmières scolaires a enfin permis de parler publiquement et politiquement de la sexualité des adolescent(e)s. Enfin pour de nombreuses jeunes filles, aller dans un centre de planification et d’éducation familiale pour demander une CU est une porte ouverte vers un accompagnement plus global dans la découverte de la sexualité et la possibilité de bénéficier d’une contraception permanente. Pour tout cela, la mise au point et la distribution de la CU reste un acquis important pour les femmes qui ne devrait pas être remis en cause.
* Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris.
Conflits d’intérêts : aucun.
(1) Task Force on Postovulatory Methods of Fertility Regulation. Lancet. 1998 ; 352 : 428-33.
(2) von Hertzen H et coll. Lancet 2002 ; 360 : 1803-10.
(3) Arowojolu AO et coll. Contraception 2002 ; 66 : 269-73.
(4) Creinin MD et coll. Obstet Gynecol 2006 ; 108 : 1089-97.
(5) Ho PC et coll. Hum Reprod 1993 ; 8 : 389-92.
(6) Wu S et coll. J Reprod Med 1999 ; 8(suppl 1) : 43-6.
(7) Ngai SW et coll. Hum Reprod 2004 ; 20 : 307-11
(8) Hamoda H et coll. Obstet Gynecol 2004;104:1307-13.
(9) Glasier AF et coll. Lancet 2010 ; 375 :555-62
(10) Zhang L et coll.Hum Reprod 2009 ; 24:1605-11
(11) Moreau C et coll. Contraception 2005 ; 71:202-7
(12)Goulard H et coll.Contraception 2006 ;74:208-13
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