Grossesse et allaitement

Un risque d’ostéoporose?

Publié le 19/02/2015
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La perte de masse osseuse est globalement modérée au cours de la grossesse

La perte de masse osseuse est globalement modérée au cours de la grossesse
Crédit photo : PHANIE

L’impact de la grossesse et de l’allaitement sur le tissu et le métabolisme osseux reste mal connu. Au cours de la grossesse, le squelette du fœtus a besoin de 30 à 35 grammes de calcium, dont 80 % environ au troisième trimestre (110 à 120 mg par kilo et par jour). Des mécanismes d’adaptation s’installent donc chez la mère : augmentation des apports alimentaires en calcium et de l’absorption intestinale du calcium qui est doublée grâce à l’augmentation de la 1-25 OH VitD d’origine rénale, majoration de la réabsorption rénale du calcium et mobilisation du calcium contenu dans l’os par une augmentation du remodelage osseux.

L’étude de Black en 2000 (1) avait mis en évidence une augmentation des marqueurs de la résorption au cours de la grossesse alors que les marqueurs de la formation restaient stables et n’augmentaient qu’en fin de grossesse. Moller, en 2012 (2), a mesuré chez 153 femmes enceintes la DMO avant, pendant et après la grossesse, en les comparant à 75 femmes appariées pour l’âge sans désir de procréation : la DMO diminue à tous les sites dès le premier trimestre et de 1 à 4 % selon le site.

Au cours de l’allaitement, une adaptation est également nécessaire pour assurer une quantité de calcium suffisant dans le lait : 300 à 400 mg par jour, ceci pendant plusieurs mois. Dans ce cas, l’augmentation du remodelage osseux est médiée par la PTHrP secrétée par le tissu mammaire (avec un mécanisme de rétrocontrôle impliquant le récepteur sensible du calcium et peut-être la sérotonine) et par une hypo-œstrogénie d’origine centrale, secondaire à l’hypersécrétion de prolactine lors de la succion.

Karlsson, en 2001 (3), a comparé, chez 73 femmes ayant allaité et 55 femmes ne l’ayant pas fait, la DMO au rachis lombaire et au col fémoral à l’accouchement, à cinq et 12 mois après l’accouchement : celles qui n’ont pas allaité n’ont pas de modification de DMO au rachis lombaire à cinq mois et ont une DMO supérieure à celle de l’accouchement à 12 mois. Chez les femmes ayant allaité on note une diminution de la DMO au rachis lombaire et au col fémoral de 2 à 5 % à cinq mois avec un retour à la normale à 12 mois au rachis lombaire et une augmentation au col fémoral mais sans retour à la normale.

Moller, en 2012 (4), a poursuivi au cours de l’allaitement l’étude qu’il avait débutée pendant la grossesse, avec trois groupes de femmes (allaitement ≤ 4 mois ; de 4 à 9 mois et ≥ 9 mois) et un groupe contrôle sans allaitement, dans lequel on n’observe aucune variation de la DMO. Chez les femmes ayant allaité, la DMO au rachis lombaire et au col fémoral diminue à 9 mois et remonte à 19 mois, moins bien dans le groupe 3 que dans le groupe 2 et a fortiori le groupe 1 et moins bien au col fémoral qu’au rachis lombaire.

Une étude intéressante a été faite chez les rongeurs par Van Houten en 2005 (5) : ils perdent l’équivalent de 20-30 % de leur masse osseuse après une période de lactation de 3 semaines et l’os redevient normal 4 semaines après le sevrage.

Malgré les nombreuses limites des études publiées, on peut penser qu’il existe une perte de masse osseuse au cours de la lactation, avec des variations selon la durée de l’allaitement et le site (la perte n’est peut-être pas égale dans l’os trabéculaire et l’os cortical), avec a priori un retour aux valeurs de base après le sevrage.

Globalement, la perte de masse osseuse est modérée au cours de la grossesse et de l’allaitement et n’entraîne aucune conséquence dans la plupart des cas.

Toutefois, elle peut être plus importante et entraîner une véritable ostéoporose : Nordin, en 1955 (6), à propos de quatre cas de fractures vertébrales rapportées à une grossesse, a proposé le terme d’ostéoporose post gravidique.

Les différentes études publiées depuis montrent que les symptômes apparaissent en général au troisième trimestre ou après l’accouchement, lors de la première grossesse, et que la rechute est rare.

Le Dr Weryha insiste sur le fait que le risque d’ostéoporose gravidique se manifeste avant tout chez les jeunes femmes qui ont une altération préalable de leur micro-architecture osseuse, conséquence d’un état nutritionnel et/ou hormonal déficient au cours des années qui précèdent la grossesse. La prise en charge de l’ostéoporose gravidique est donc avant tout préventive : traitement des grandes maigreurs, particulièrement de l’anorexie mentale et des hypo-œstrogénies de la femme jeune, quelle qu’en soit la cause.

Dijon

(1) Black AJ et al. J Bone Miner Res. 2000 Mar;15(3):557-63

(2) M ller UK1, et al Osteoporos Int. 2012;23(4):1213-23

(3) Karlsson C, et al Osteoporos Int. 2001;12(10):828-34

(4) M ller UK, et al Osteoporos Int. 2012;23(4):1213-23

(5) VanHouten J. Curr. Opin. Endocrinol. Diabetes 2005;12:477-82

(6) Nordin BE. Lancet. 1955 Feb 26;268(6861):431-4

Dr Monique Petit-Perrin

Source : Congrès spécialiste