Comme un écho aux déclarations récentes de Michel Sidibé, directeur général de l'ONUSIDA, un groupe d'experts rassemblé par le « Lancet » et la Société internationale sur le sida estime que, non seulement l'épidémie « n'est pas sur les bons rails pour être arrêtée », mais les « discours sur la fin du sida ont créé une dangereuse complaisance qui a hâté l'affaiblissement de la riposte globale contre le sida. »
La commission, présidée par le Dr Linda-Gail Bekker, présidente de la société internationale sur le Sida (IAS), présentera ses travaux et réflexions mercredi 25 juillet, lors de la Conférence internationale sur le sida 2018, qui débute ce lundi à Amsterdam. À cette occasion, les experts lanceront un appel pour relancer les financements et intégrer la lutte contre le sida aux dispositifs plus globaux de prévention de l'ensemble des maladies transmissibles et non transmissibles.
Des stratégies insuffisantes
Ils basent leurs craintes sur les données épidémiologiques : bien que le nombre de décès et de nouvelles infections par le VIH ait chuté de façon importante depuis l'acmé de l'épidémie, ce déclin n'a pas fait de progrès significatif au cours de la décennie passée et reste loin des objectifs de l'ONUSIDA : moins de 500 000 nouvelles infections en 2020. « Sans une réduction plus marquée des nouvelles infections, un retour de l'épidémie est inévitable », craignent les membres de la commission du « Lancet ».
Les chiffres « ont donné à certains le cran de déclarer que la fin du sida est à portée de main », a relevé le chercheur et ancien directeur de l'ONUSIDA Peter Piot, lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. « Il n'y a absolument aucune preuve pour soutenir cette idée », estime-t-il.
Les experts considèrent également que les stratégies actuelles ne sont pas suffisantes, et n'empêcheront pas l'épidémie de « demeurer un challenge global dans un avenir prévisible ». Ils rappellent que plusieurs dizaines de millions de patients devront avoir accès à un traitement antirétroviral : en 2017, 21,7 millions de patients bénéficiaient d'un traitement antirétroviral sur un total de 36,9 millions de personnes séropositives. De plus, la nouvelle génération d'adolescents qui entrent dans l'âge adulte est la « plus grande [ayant] jamais existé », ce qui implique des efforts de prévention sans précédents.
Donner la priorité au traitement du VIH plutôt qu'à cette prévention pourrait bien avoir été « une erreur stratégique », estime le Dr Bekker, interrogée par l'AFP. « Il n'y a pas d'épidémie dont nous nous soyons sortis par des traitements », a-t-elle affirmé, citant le virus Ebola ou la tuberculose. « Clairement, un vaccin est le Graal, mais nous n'y sommes pas encore ». Dans son texte, la commission insiste sur les bénéfices de du préservatif, des aiguilles neuves pour les toxicomanes, et de la médecine préventive.
Intégrer le sida à la prévention globale
Pour éviter un scénario catastrophe, les experts jugent que la réponse au VIH doit s'intégrer aux programmes de santé plus globaux. « Les services de lutte contre le VIH doivent, quand cela est possible, être intégrés à des services de santé généraux, sur les mêmes sites », ajoutent-ils, ce qui suppose la « mise en place de systèmes de santé robustes et flexibles, centrés sur les personnes ». Il n'existe pas de méthode toute faite pour une telle intégration de la lutte contre le sida dans le cadre plus général de la santé globale : « Les choix et le chemin optimal dépendront des ressources disponibles et des caractéristiques des populations », expliquent les auteurs. À titre d'exemple, Au Kenya et en Afrique du Sud, un dépistage de l'infection par le VIH est proposé en simultanée d'un dépistage du diabète, de l'hypertension et d'autres maladies non transmissible.
Dans les objectifs de développement pour 2030, il est inscrit que les épidémies de sida, de tuberculose et de paludisme devront avoir pris fin. Ces objectifs sont mis en danger par plusieurs évolutions récentes : « la démocratie recule, et dans beaucoup de pays, la place laissée à la société civile et aux droits de l'homme se rétrécit », selon les auteurs qui dénoncent le danger que fait planer le « repli nationaliste » sur la « coopération globale ». Conséquence directe de ce repli sur soi : l'ONUSIDA estime que le financement de la lutte contre le sida, 19,1 milliards de dollars en 2017, accuse un déficit de 20 % comparé à ce qui serait nécessaire.
Le CNS appelle à la mise en place de stratégies innovantes
À l'occasion du lancement de la 22e Conférence internationale sur le sida, le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) appelle au « déploiement et à la diversification des actions de prévention et de dépistage du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles [IST] », grâce notamment à la mise en place de stratégies innovantes afin de toucher les personnes les plus exposées au risque. Le CNS souhaite favoriser le dépistage des partenaires des personnes atteintes d'IST et mettre en œuvre une offre globale et mobile de prévention et de dépistage en outre-mer afin de sensibiliser les personnes les plus éloignées du système de santé.
Charlène Catalifaud
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