Covid long : une étude française invite à ne pas conclure trop vite au diagnostic

Par
Publié le 08/11/2021
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

Alors que les publications sur les symptômes prolongés et persistants du Covid-19 se multiplient, rares sont celles qui incluent un groupe contrôle composé de patients qui n'avaient pas été infectés par le SARS-CoV-2. C’est ce manque qu’ont voulu combler des chercheurs français dans une étude publiée dans « JAMA Internal Medicine ».

« Tous types de symptômes sont désormais réputés attribuables au Covid, à travers ce que l’on appelle parfois le Covid long. Or, ces symptômes peuvent relever d’autres pathologies, explique au « Quotidien » le Pr Cédric Lemogne, chef du service de psychiatrie de l'adulte à l’hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP) et premier auteur de l’étude. Il était nécessaire de s’assurer que ces symptômes sont plus fréquents chez les personnes qui ont eu le Covid qu’en population générale. »

Pour y parvenir, les chercheurs se sont appuyés sur l’enquête transversale Sapris (Santé, Pratiques, Relations et Inégalités Sociales en population générale pendant la crise Covid-19 et son pendant Sapris-Sérologie), qui comprend plusieurs cohortes de population générale, dont la cohorte « Constances ».

Au total, les données de 26 823 participants (d’un âge moyen de 49,4 ans, 51,2 % de femmes), soumis à un test sérologique (entre mai et novembre 2020) et à un questionnaire sur la présence de symptômes nouveaux et/ou prolongés apparus pendant la pandémie (entre décembre 2020 et janvier 2021), ont été analysées.

Une influence de la croyance sur les symptômes

Les résultats font état d’« une association entre une sérologie positive et un certain nombre de symptômes persistants », mais également d’une « association encore plus forte entre la croyance d’avoir eu le Covid et la persistance de symptômes », souligne le Pr Lemogne. Ainsi, « avant ajustement, la croyance d'avoir eu une infection au Covid-19 était associée à 15 des 18 catégories de symptômes persistants, alors qu'un résultat de test sérologique positif était associé à 10 catégories de symptômes persistants », est-il relevé dans l'étude.

Après ajustement mutuel, la croyance positive était « significativement associée à une probabilité plus élevée d'avoir tous les symptômes persistants », tandis qu’un « résultat de test sérologique positif est resté positivement associé uniquement à l'anosmie », lit-on également.

« Que ce soit le cas ou pas, le fait de penser avoir eu le Covid donne un risque équivalent d’avoir des symptômes prolongés », résume le Pr Lemogne. Mais, pour une partie importante des patients, « les symptômes prolongés qui sont attribués au Covid peuvent vraisemblablement être associés à une autre maladie ».

Deux hypothèses sont avancées pour expliquer ces résultats à l’impact clinique important. D’abord, l’audience donnée à la notion de Covid long pourrait faire émerger un risque d’attribution au Covid de symptômes qui ne lui sont pas liés, entraînant un « vrai problème de retard de diagnostic et de perte de chance », alerte le psychiatre.

Ensuite, la croyance d’avoir eu le Covid et de craindre des symptômes prolongés pourrait conduire à une modification des comportements contribuant à pérenniser les symptômes. « Des conduites d’évitement de l’effort par exemple rendent plus difficiles la reprise d’activité physique », précise le Pr Lemogne. De même, ces croyances pourraient s’accompagner d’une hypervigilance. « Prêter attention à certains symptômes rend plus à même de les ressentir ou de les ressentir de manière plus intense », poursuit-il.

Ne pas tout attribuer au Covid long

Ces symptômes n’en restent pas moins réels. La réponse rapide de la Haute Autorité de santé (HAS) recommande plusieurs conduites à tenir selon les symptômes. Mais il convient également de « ne pas tout attribuer au Covid long », avertit le Pr Lemogne, pointant un risque d’erreur ou d’errance diagnostique important. « Il est nécessaire de vérifier qu’il n’y ait pas une autre pathologie, y compris psychiatrique, recommande-t-il. Une fois éliminé un diagnostic différentiel, il faut se poser la question des croyances des patients et des comportements induits qui peuvent être une source de pérennisation des symptômes. »

Comme le préconisait également la Pr Brigitte Ranque, co-autrice, spécialiste en médecine interne (hôpital européen Georges-Pompidou) et membre du groupe expert de la HAS, lors d'un live chat du « Quotidien », le psychiatre invite à ne « jamais remettre en doute les symptômes », mais également à donner aux patients des éléments d’information rassurants. « Il faut rappeler que c’est une situation fréquente après une infection aiguë, que l’on retrouve dans d’autres pathologies et dont l’évolution habituelle est spontanément favorable, bien que non linéaire avec des phases de reprise symptomatique devenant progressivement moins intenses et moins fréquentes », préconise-t-il.

En pratique, une fois les diagnostics différentiels écartés, il s’agit par ailleurs de « ne pas pousser les investigations exploratoires à outrance » et d’« encourager et accompagner la reprise progressive de l’activité habituelle ». En dernier recours, les patients peuvent également être orientés vers les structures dédiées.

À l’Hôtel-Dieu, le Pr Lemogne participe à une prise en charge spécifique, consistant en un circuit de trois consultations. Une première, d’au moins une heure, avec un interniste ou un infectiologue, permet de « passer en revue les symptômes et les hypothèses étiologiques possibles ». Une deuxième avec un psychiatre explore deux volets : diagnostic différentiel ou comorbide et identification des croyances et des comportements associés. Une dernière avec un médecin spécialisé en activité physique permet d’évaluer le niveau de déconditionnement physique et éventuellement de prescrire une réadaptation à l’effort appropriée. Plus d’une cinquantaine de patients ont déjà été reçus depuis le lancement il y a 5 mois.


Source : lequotidiendumedecin.fr