La conclusion récente de la Haute autorité de santé (HAS) de ne pas recommander la mise en place d'un dépistage généralisé de l'hépatite C (VHC) ne ravit l'Association française pour l'étude du foie (AFEF).
« On ne comprend pas cette prise de position, regrette le Dr Marc Bourlière, président de l'AFEF et chef du service d'Hépato-Gastroentérologie de l'hôpital Saint-Joseph, à Marseille. Les 4 millions de dépistages réalisés chaque année en France ne touchent pas les bonnes catégories. On dépiste surtout les jeunes, alors qu'une grande partie des patients actuels sont des femmes de 40 à 70 ans ou des hommes assez âgés, qui ont été infectés avant la découverte du virus en 1989. »
Pour le Dr Bourlière, une stratégie de dépistage pertinente consisterait en la réalisation d'un dépistage une fois dans la vie dans la population générale, et un dépistage annuel dans les populations à risque : consommateurs de drogue injectable, partenaires sexuels des personnes atteintes d’hépatite C chronique, populations carcérales et patients séropositifs pour le VIH ou porteurs du virus de l'hépatite B (VHB).
Bataille de chiffres
La HAS et l'AFEF ne portent pas le même regard sur l'ampleur de l'épidémie cachée d'hépatite C. La HAS s'appuie sur les dernières estimations issues de l’enquête BaroTest de 2016, menée par Santé Publique France (SPF). Selon cette dernière, 0,33 % de la population générale âgée de 18 à 75 ans souffre d'une hépatite C chronique en France, soit 133 466 personnes.
Le rapport de la HAS cite également des données non publiées de SPF qui estiment par modélisation un nombre de cas prévalents d’hépatite C chronique de l’ordre de 115 000 personnes en 2018. Ces modélisations se basent sur les données de consommation réelle des antiviraux à action directe en France (période allant de 2014 à mars 2018). Toujours selon les données de BaroTest, 25 892 personnes ayant une hépatite C chronique étaient non diagnostiquées en France, soit 19 % du total des malades français, et environ un tiers des personnes non diagnostiquées en 2014.
Quant à l'AFEF et SOS Hépatite, ces associations s'appuient sur les travaux réalisés par Sylvie Deuffic-Burban, chargée de recherche à l’INSERM au sein de l’IAME « Infection, Antimicrobiens, Modélisation, Évolution », sous la direction du Pr Yasdan Yasdanpanah (Service de maladies Infectieuses et tropicales, Hôpital Bichat Claude Bernard, Paris, France). Publiés dans le « Journal of Hepatology » en octobre 2018, ces travaux se sont basés sur 75 000 personnes de 18 à 80 ans infectées par le VHC sans le savoir.
Un coût diversement apprécié
Selon les données de cette publication, le prix d'une année d'espérance de vie en bonne santé gagnée grâce au dépistage universel était de 31 100 euros dans l'hypothèse d'un traitement accessible à tous les patients, quel que soit le stade de fibrose. Ce chiffre est celui retenu par la HAS dans son évaluation, mais là ou Sylvie Deuuffic-Burdan et ses collègues concluaient au coût efficacité du dépistage généralisé, la HAS estime pour sa part que ce coût par QALY est « probablement sous-estimé ».
En 2004, la France comptait 232 0000 patients infectés, selon la dernière étude épidémiologique solide réalisée sur l'hépatite C date. D'après l'AFEF et l'association SOS Hépatite avec le soutien du laboratoire Gilead, il resterait, en 2019, 94 600 patients à traiter. Pour le Dr Bourlière, il est temps de relancer la politique de dépistage : « En 2017,19 900 malades ont été traités par antiviraux à action directe. Depuis, ce nombre ne fait que décroître : 12 200 en 2018, et en 2019 ce sera encore moins. L'ensemble des patients de nos files actives sont maintenant soignés ».
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