« Il est aujourd’hui urgent de réfléchir à de nouveaux modèles de développement des molécules antibiotiques. Car, avec le modèle actuel, il est devenu impossible pour un laboratoire de mettre sur le marché un médicament suffisamment rentable pour permettre un retour sur investissements, tant les coûts recherche et développement sont élevés », explique le Dr Rémy Gauzit (Cochin-Hôtel Dieu, Paris), vice-président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF). « Entre 1983 et 1987, 16 molécules antibiotiques ont obtenu une autorisation de mise sur le marché [AMM]. Entre 1998 et 2002, cela a été le cas pour seulement 7 molécules et, entre 2008 et 2011, de seulement deux », déplore-t-il.
Cela fait plusieurs années que la SPILF mène une réflexion de fond sur les modalités à mettre en œuvre pour « sauver les antibiotiques » et donner un nouvel élan au développement de nouvelles molécules. Avec les Prs Tremolières, Cohen, Vittecoq et Stahl, le Dr Gauzit a publié en 2009 un long texte comportant une dizaine de propositions dans ce domaine (1). Les auteurs soulignaient d’abord la nécessité de poursuivre les actions déjà engagées en France pour améliorer le bon usage et la prescription des antibiotiques, de suivre l’évolution des résistances bactériennes et de prévenir la transmission des bactéries résistantes. Ils avançaient trois autres propositions concrètes : 1) la mise en place d’études permettant l’évaluation des conséquences cliniques et thérapeutiques de la résistance bactérienne, 2) un suivi actualisé des molécules antibiotiques en cours de développement avec estimation critique prédictive sur les promesses de chaque molécule, ceci indépendamment de l’industrie, 3) un développement des alternatives au traitement antibiotique (vaccins, immunothérapie non spécifiques, inhibiteurs de la virulence, génomique, peptides antibactériens, bactériophages, etc.).
Mais le Dr Gauzit tient aussi à mettre en avant une proposition, déjà présentée dans cet article : la mise en œuvre de nouvelles méthodes d’évaluation des antibiotiques destinés au traitement d’infections graves à bactéries résistantes. « Le développement actuel des antibiotiques se fonde essentiellement sur des essais de non-infériorité, critère qui n’est plus adapté. En effet, ces essais sont généralement réalisés dans le cadre d’indications qui ne sont pas celles où les molécules devraient être utilisées plus tard. Actuellement, dans les essais de phase III, il n’y a qu’un très faible nombre des patients inclus [quelques dizaines au plus] qui sont infectés par des pathogènes résistants. Ainsi de tels dossiers ne permettent souvent pas l’octroi d’AMM "sans réserve" sur les bactéries les plus résistantes, car aucune extrapolation n’est possible à partir d’essais cliniques non pertinents, souligne le Dr Gauzit. Dans ces essais de non-infériorité, on compare aussi de nouvelles molécules à des produits ayant parfois 40 ans d’âge. Le résultat est qu’au final, la commission de la transparence délivre des Améliorations du service médical rendu [ASMR] parfois faibles, ce qui entraîne un prix peu élevé pour la nouvelle molécule ».
Selon le Dr Gauzit, une autre piste à explorer est celles des incitations diverses – prolongation de la durée du brevet, facilités fiscales, création d’un statut semblable au médicament orphelins, etc. – qui pourraient être proposées aux laboratoires qui prennent le risque de développer de nouveaux antibiotiques.
D’après un entretien avec Dr Rémy Gauzit (anesthésie-réanimation, Cochin-Hôtel Dieu, Paris), vice-président de la SPILF.
(1) http://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/ATB/SauvegardeATB-S…
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