L’épidémie de coronavirus est retombée, mais pas la polémique sur l’hydroxychloroquine. Le Pr Christian Perronne vient de la relancer dans un livre réquisitoire (« Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? », Albin Michel), dans lequel le chef de service des maladies infectieuses de l’hôpital de Garches dénonce les erreurs supposées du gouvernement et du Conseil scientifique dans la gestion de la crise sanitaire. Il y consacre un chapitre sur l’hydroxychloroquine, le traitement mis en œuvre contre le Covid-19 par le Pr Didier Raoult (en association avec l’azithromycine) à l’IHU Marseille.
Pour le médecin, qui s’est déjà illustré en défendant une thèse très controversée sur l’existence d’une forme chronique de la maladie de Lyme, à rebours des universitaires de sa discipline, le succès de ce médicament ne fait aucun doute. Pour preuve, « la moitié de la planète » le réclame, dit-il en mentionnant par ailleurs une étude chinoise supposée démontrer son efficacité.
Sur BFMTV, il explique avoir lui-même utilisé avec succès ce traitement sur les formes bénignes à sévères de la maladie, « évitant de nombreux passages en réanimation et décès ». Au journaliste de Sud Radio qui lui demande si l’administration de ce produit aurait pu éviter 25 000 morts en France, l’infectiologue répond sans sourciller que c’est le cas !
Des confrères accusés de collusion avec les laboratoires pharmaceutiques
Invité sur les plateaux télé et radio, le médecin a réponse à tout. Plusieurs travaux n'ont pas démontré l’efficacité de l’hydroxychloroquine sur le Covid-19 ? Ce sont « des études de mauvaise foi totale », répond-il sans avancer plus d’arguments scientifiques. « C’est hallucinant ce déni du succès du traitement de Raoult », s’étonne encore sur Sud Radio l’infectiologue, à l’origine avec l’ex-ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy, d’une pétition en faveur de l’hydroxychloroquine au mois d’avril dernier.
Le Pr Perronne ne recule devant rien pour défendre ce traitement. Y compris en insinuant sur BFMTV que ses confrères du Conseil scientifique ont été influencés les laboratoires pharmaceutiques. « Je ne leur reproche pas leur intégrité scientifique, affirme le chef de service de Garches. Il y a eu un manque de décision qui a probablement été aussi influencé par des liens d’intérêts. » Sur la chloroquine, le relance un journaliste ? « C’est évident. La chloroquine ne rapporte plus rien, et il y avait des laboratoires pharmaceutiques, notamment Gilead qui voulait caser le Remdesivir », avance l’infectiologue. Tout s’explique…
Sans nommer le Pr Perronne, le collectif anti-Fakemed a vertement réagi à ces propos dans un communiqué. « Ce médecin bafoue quotidiennement en ce moment des articles du code de déontologie », écrit son président, Cyril Vidal qui appelle le ministre, l’Ordre et les syndicats de médecins hospitaliers et libéraux à réagir.
Ils ont « laissé crever mon beau-frère »
Mais le Pr Perronne a définitivement franchi la ligne jaune du code de déontologie en reprochant, sur CNews, aux médecins du CHU de Nantes d’avoir « laissé crever [son] beau-frère » atteint de Covid-19 alors qu’il « aurait pu être sauvé » par l’hydroxychloroquine.
« De tels propos, tenus par un professeur de médecine, chef d’un service hospitalier, sont à même d’attiser la haine du public envers les médecins visés et mettent en danger des collègues, exposés à la vindicte populaire sur la base d’arguments fallacieux », écrivent des médecins, auteurs d’une pétition en ligne qui a rassemblé plusieurs milliers de signatures. Ils demandent à l’Ordre de condamner les propos du Pr Perronne. De fait, le CNOM s'est saisi jeudi de l'affaire, annonçant qu'il demandait au conseil départemental des Hauts-de-Seine d'instruire le dossier.
Mais la réponse la plus acerbe vient probablement des pairs du Pr Perronne, infectiologues de la SPILF. La Société de pathologie infectieuse de langue française n'a pas apprécié les accusations du médecin qui reproche aux sociétés savantes de ne pas avoir recommandé l'hydroxychloroquine parce qu'elles sont « complètement corrompues » et que cela a conduit à plonger « des dizaines de milliers de Français dans la mort ».
« Les propos sont graves, écrit la SPILF dans un communiqué, car ils font passer pour des “criminels” les médecins qui s’appuient sur les données de la science pour soigner leurs patients, tout en cherchant à imposer des traitements probablement inefficaces. »
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