Les résultats préliminaires de l’étude Ipergay présentés lors du Congrès international sur le sida montrent que cette stratégie de prévention pré-exposition (PreP) « à la demande » chez les homosexuels est bien acceptée. Contrairement à la stratégie recommandée par la FDA aux États-Unis depuis 2012 et avalisée dans les nouvelles recommandations de l’OMS qui consiste en une prise quotidienne d’antirétroviraux (Truvada) par voie orale, l’essai Ipergay propose aux participants de prendre le traitement « à la demande » à l’occasion des rapports sexuels. « L’idée, souligne le Pr Jean-Michel Molina (Groupe hospitalier Saint-Louis, Paris), coordinateur de l’étude, c’est que le traitement préventif soit plus simple, mieux toléré et mieux adapté à la vie des personnes qu’un traitement continu à prendre tous les jours. L’une des grandes questions que nous nous posons est de savoir si ce traitement à la demande est bien pris par les participants de l’étude ».
Niveau d’observance élevé
Les premières données montrent que oui. L’observance a été évaluée régulièrement au cours de l’essai (questionnaires, comptage des comprimés, mesure des concentrations de médicaments dans le sang). Sur les 548 échantillons sanguins obtenus auprès des 113 premiers participants de l’essai, les deux antirétroviraux associés dans le Truvada (ténofovir et emtricitabine) sont détectés chez 86 % et 82 % respectivement des participants du groupe prenant la molécule. « Ce niveau d’observance est un des meilleurs observés dans les essais réalisés jusqu’ici avec une PreP orale », souligne le Pr Molina.
D’autres données viennent conforter ces premiers résultats « encourageants ». Il concerne la pharmacocinétique de la double dose de Truvada évaluée dans l’étude ANRS Ipergay. Les données analysées chez 10 participants montrent qu’avec cette double dose, l’exposition aux antirétroviraux est plus rapide et plus élevée. Dans l’essai, les participants doivent prendre 2 comprimés de Truvada ou de placebo dans les 24 heures précédent le premier rapport sexuel puis un comprimé de Truvada ou de placebo toutes les 24 heures pendant la période d’activité sexuelle y compris après le dernier rapport sexuel. La dernière prise (1 cp de Truvada ou placebo) est réalisée 24 heures plus tard*. « Cela peut paraître évident, mais l’augmentation de la dose d’un médicament n’est pas toujours corrélée à une augmentation de même ordre des concentrations dans l’organisme. Nous avons ainsi validé l’idée que nous pouvons renforcer la concentration en médicament dans l’organisme avant d’être exposé au risque d’infection », indique le Pr Molina.
Ces résultats ne préjugent en rien de l’efficacité de la stratégie PreP mais « ils en sont un préalable », explique au « Quotidien » le Pr Molina. « Si nous n’avions pas une bonne adhérence, nous ne pouvions pas espérer une bonne efficacité. Cette première phase a permis de vérifier la faisabilité de l’étude à la fois en termes de recrutement et d’observance et elle a permis de valider nos hypothèses initiales de départ notamment sur l’incidence de l’infection », précise-t-il. Entre 300 et 400 personnes ont été incluses en France et au Canada dans l’étude (au-dessus des 300 prévus pour cette phase initiale) en France et au Canada (Montréal).
Le soutien de la Fondation Gates
La deuxième phase de l’étude va pouvoir être lancée dans d’autres pays d’Europe comme l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique ou l’Italie. « L’ANRS ne pouvait pas à elle seule assurer les financements nécessaires. Il nous fallait d’autres partenaires en plus de nos collègues canadiens », explique le Pr Molina. La bonne nouvelle annoncée à la Conférence de Melbourne est que la Fondation Bill et Melinda Gates à accepter de soutenir l’étude. En plus de l’aspect financier, ce soutien a une valeur symbolique. « La Fondation Gates a un comité scientifique exigeant. Le fait d’être sélectionné montre que la stratégie que nous proposons mérite d’être étudiée. De plus, c’est la première fois que cette fondation qui soutien principalement des études dans les pays en développement, finance une étude dans le Nord. Pour nous, c’est important », se réjouit le coordonnateur de l’étude Ipergay.
Les nouvelles recommandations de l’OMS qui ont un peu surpris les investigateurs ne devraient pas modifier les objectifs de l’étude. « En Europe, l’ECDC est plus prudente et ne recommande pas la PreP », souligne le Pr Molina. De plus, aucune donnée nouvelle n’a été publiée depuis l’étude IPREX de 2002, la seule à évaluer la stratégie PreP en continu et qui avait montré une réduction de 44 % de l’incidence du VIH. « Le résultat est modeste principalement en raison de la mauvaise observance. Des résultats de suivi ont été présentés à la conférence. L’étude n’est plus en double aveugle mais chez ceux qui ont participé à la première phase, l’observance ne semble pas très bonne », conclut le Pr Molina.
* À titre d’exemple, pour des rapports le vendredi et le samedi soir, début du traitement (2 comprimés) le vendredi soir au plus tard 2 heures avant le premier rapport (ou bien le vendredi après-midi si le rapport peut être planifié), poursuite du traitement (1 comprimé) le samedi soir et le dimanche soir, et un dernier comprimé le lundi soir
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024