On considère généralement qu’une cohabitation prolongée entre un virus et son hôte conduit à une diminution progressive de la virulence du pathogène. Ainsi, le VIH, s’efforcerait constamment de s’équilibrer autour d’une pathogénicité qui ne soit ni trop faible ni trop forte.
Rebecca Payne, de l’unité d’Oxford, et ses collègues se sont intéressés à l’impact de l’adaptation du virus aux marqueurs du système HLA humain sur sa virulence, dans un article publié dans les « PNAS ».
Sélection naturelle
Le virus s’adapte au système HLA grâce à la sélection de mutants capables d’être reconnus comme étant des cellules du soi. Bien que ces mutants échappent plus facilement au système immunitaire, leur capacité de réplication pourrait se retrouver altérée par rapport aux virus d’origine.
Pour vérifier si cette hypothèse fonctionne à l’échelle d’une population, les auteurs ont analysé des cohortes constituées au Botswana et en Afrique du Sud. Ces deux pays ont été choisis car l’épidémie est plus ancienne avec une prévalence plus importante au Botswana qu’en Afrique du Sud. Les hôtes et les virus sont donc restés en contact plus longtemps au Botswana qu’en Afrique du Sud.
Le VIH du Botswana plus adapté aux marqueurs HLA humains
Une première analyse comparative de 328 malades de Durban (Afrique du Sud) et de 514 malades de Gaborone (Botswana), naïfs de tout traitement par antirétroviraux, a montré que la charge virale moyenne était plus faible chez les Botswanais.
Les virus circulant au Botswana sont beaucoup plus adaptés aux marqueurs HLA que ceux circulant en Afrique du Sud. Le complexe majeur d’histocompatibilité n’y protégeait pas les malades, même ses molécules HLA les plus efficaces : HLA-B*57 et HLA-B*58. La capacité de réplication du virus y était, de plus, significativement plus basse. Le virus était donc à la fois plus adapté au système HLA et moins virulent.
Selon le Pr Olivier Schwartz, chef de l’unité Virus et immunité de l’institut Pasteur de Paris, il y a deux explications possibles au lien entre l’adaptation au système HLA et la diminution de la virulence : « En s’adaptant au système HLA, le virus provoque moins de réactions immunitaires, et a donc moins de lymphocytes T à infecter. La seconde possibilité est que les mutations nécessaires au virus pour s’adapter au HLA aient eu un coût en terme de virulence. La réaction aux pressions évolutives se traduit souvent par une perte de "fitness", c’est-à-dire de sa capacité à se reproduire », poursuit Olivier Schwartz. Une explication complétée par le Pr Laurent Abi-Rached,de l’équipe Évolution du système immunitaire et des interactions hôtes pathogènes (université Aix-Marseille), « l’adaptation passe par des mutations, dont certaines affectent la virulence. De plus, l’adaptation au système HLA implique une grande variabilité de virus au sein d’un même hôte, ce qui est incompatible avec une virulence importante ».
Les antirétroviraux accéléreraient le mouvement
D’autres facteurs expliqueraient cette baisse de la virulence du VIH. Le compte de CD4 à partir duquel le traitement antirétroviral est initié fait que l’on favorise la circulation de souches plus ou moins pathogènes : plus le seuil est haut, plus la fraction de population traitée est élevée, et plus les souches les moins virulentes sont favorisées.
« Le VIH est un cas très particulier. Les traitements ne le font pas disparaître et ne sont pas systématiques. Il s’agit peut-être du seul virus dont l’adaptation à l’hôte est favorisée par le traitement », poursuit Laurent Abi-Rached. Le déclin de la virulence du virus devrait se poursuivre, selon les auteurs de l’étude, en dépit de quelques ratés. « Quand on regarde l’évolution du virus en Amérique du Nord, où les populations et les allèles HLA sont plus variés, on voit que l’adaptation du virus est ralentie. On évolue tout de même très lentement vers une situation analogue à celle des chimpanzés qui vivent avec le VIH sans que cela ne provoque d’immunodéficience, » conclut Laurent Abi-Rached.
Selon le Pr Laurent Abi-Rached de l’équipe Évolution du système immunitaire et des interactions hôtes pathogènes (université Aix-Marseille), « le plus intéressant est la vitesse à laquelle ce processus d’adaptation se déroule. À peine 30 ans ont suffi pour voir apparaître les premiers signes d’adaptation entre l’hôte et le virus ».
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