Ce samedi 28 mars, s'est tenu le e-congrès de la Société savante européenne de réanimation (ESICM), rassemblant en ligne des médecins des quatre coins du monde. Le Pr Alain Combes, chef du service de réanimation médicale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, y a évoqué la place de l'oxygénation extracorporelle par membrane (appelée ECMO) chez les patients Covid-19. Il revient également sur la situation en France et en Europe.
LE QUOTIDIEN : Quelle est la place de l'ECMO dans le cadre de l'infection Covid-19 ?
Pr ALAIN COMBES : L'ECMO est une technique d'assistance respiratoire extracorporelle que nous développons à la Pitié-Salpêtrière depuis près de 20 ans. Ses indications sont larges mais concernent toujours des patients avec un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) très sévère pour lesquels toutes les autres approches ont échoué.
J'ai mené un essai randomisé qui a fait l'objet d'une publication dans le « New England Journal of Medicine » en 2018 et qui suggérait un bénéfice de l'ECMO pour les patients présentant un SDRA. Actuellement, nous évaluons l'intérêt de l'ECMO dans l'indication spécifique de l'infection Covid-19.
La prise en charge sous ECMO peut durer plusieurs semaines. Par exemple, pour les patients SDRA grippaux que l'on prend en charge tous les hivers, le recours à l'ECMO se fait sur deux, voire trois semaines en moyenne. Il est donc trop tôt pour avoir des résultats pour l'infection à SARS-CoV-2. En deux semaines, près de 100 patients Covid-19 ont été mis sous ECMO en Île-de-France. Parmi ceux que l'on pourra sauver, certains auront besoin de 1 mois de prise en charge. Un retour d'expérience devra être réalisé, mais le bilan ne pourra être fait que dans un certain temps. Nous avons toutefois eu le cas d'un patient avec une myocardite fulminante qui a pu être sevré en quelques jours, après que son cœur s'est arrêté 24 heures.
Une base de données de réanimation est par ailleurs en train d'être constituée, avec un volet spécifique pour le recueil des caractéristiques de tous les malades Covid-19.
Dans le détail, comment fonctionne l'assistance par ECMO ?
Deux utilisations sont faites de la même machine. L'ECMO peut servir d'assistance respiratoire pure : on prend alors le sang du côté droit au niveau de la veine cave inférieure et on le réinjecte dans la veine cave supérieure. Le sang passe dans une membrane artificielle, ce qui permet une respiration extracorporelle complète avec oxygénation et décarboxylation du sang.
Dans le cadre de la deuxième utilisation, la machine d'ECMO fait office de cœur-poumon artificiel, avec donc un support cardiaque en plus. Le sang est cette fois réinjecté, non pas dans la veine jugulaire, mais dans l'aorte.
Lors du congrès, la question du choix des patients à réanimer a été évoquée. Qu'en retenir ?
Il s'agit d'une maladie particulière à laquelle nous n'avons jamais été confrontés en situation normale. Mais ce choix, il est fait au quotidien en réanimation. Nous devons décider s'il est éthique ou non d'hospitaliser une personne. Là, nous sommes effectivement dans un contexte où la nécessité d'admission en réanimation est grande, mais nous savons maintenant qu'à partir d'un certain âge et en présence d'un certain nombre de facteurs de sévérité, la mortalité est de 100 %. Il n'est donc pas approprié de faire une admission en réanimation pour ces patients de mauvais pronostic. Mais il faut bien l'expliquer, et la décision doit être, bien sûr, collégiale et supportée par des arguments solides.
En Île-de-France, nous disposons encore de lits en réanimation. Sur les deux derniers jours, nous avons même constaté un ralentissement du nombre d'admission. Il faut attendre encore, mais c'est assez encourageant à deux semaines de confinement. En revanche, la région du Grand fait face à une situation d'extrême tension avec une contamination très massive cumulée à une offre de soins non comparable à celle dont dispose l'Île-de-France.
Les visites de l'entourage sont-elles autorisées en réanimation ?
Sur le plan éthique, ce sont aussi des situations complexes. Les visites sont pour la plupart interdites, sauf quand l'état du patient devient extrêmement préoccupant. Alors nous autorisons la visite d'une ou deux personnes.
Les principaux pays d'Europe concernés par l'épidémie prennent-ils globalement les mêmes mesures ?
Oui. L'Allemagne est un peu en retard, car l'épidémie a démarré plus tard, mais elle suit la même courbe d'augmentation du nombre de décès. La France, l'Italie et l'Allemagne suivent exactement la même courbe. La France est en retard de 10-12 jours sur l'Italie, et l'Allemagne de 10-12 jours sur la France. La courbe de l'Espagne est en revanche beaucoup plus pentue. La courbe de l'Angleterre devient également plus importante que la nôtre.
Le taux de mortalité de l'Allemagne semble plus faible comparé à la France. Comment l'expliquer ?
Le taux de mortalité plus faible de l'Allemagne s'explique en partie par le grand nombre de tests diagnostiques réalisés. Ils disposent d'une capacité de test que nous n'avons pas aujourd'hui, et ont aussi deux à trois fois plus de lits de réanimation que nous par habitant.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024