L’analyse des 262 premiers cas de variole du singe (Monkeypox) pris en charge à l’hôpital Bichat (AP-HP) atteste de l’émergence d’une épidémie « différente des précédentes dans les pays endémiques », explique au « Quotidien » le Pr Nathan Peiffer-Smadja, infectiologue.
Les observations des équipes de Bichat, de l’Inserm et de l’université Paris Cité, publiées dans « Clinical Microbiology and Infection », confirment la concentration des cas parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mais aussi des tableaux cliniques différents, « avec des signes systémiques moins fréquents et moins de lésions cutanées que ce qui avait été signalé lors de l'épidémie de 2003 aux États-Unis », expliquent-ils.
Parmi les 262 cas de l’étude (âge médian 35 ans, 99 % d’hommes), tous confirmés par une PCR positive entre le 21 mai et le 5 juillet, 95 % étaient des HSH, 42 % ont pratiqué le chemsex au cours des trois derniers mois, 29 % vivaient avec le VIH, 71 % étaient sous prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre l'infection par le VIH et 3 % étaient immunodéprimés.
Des populations à risque bien identifiées par les recommandations vaccinales
« Ces éléments nous permettent de définir des catégories à très haut risque, les plus touchées au sein de la communauté des HSH : utilisateur de PrEP, pratiquant du chemsex, patient VIH… », souligne le Pr Peiffer-Smadja, dernier auteur. Ces populations ont bien été identifiées par les recommandations vaccinales de la Haute Autorité de santé (HAS).
La population des travailleurs du sexe (TDS), également ciblée par la stratégie vaccinale, est peu représentée dans cette étude sur les premiers cas pris en charge. « Les TDS, des femmes transgenres notamment, sont arrivés dans un deuxième temps dans nos services. On a l’impression que l’épidémie s’est diffusée à cette population en décalé », poursuit l’infectiologue.
Une autre observation se confirme : la transmission est majoritairement sexuelle. Parmi les cas, 47 % avaient un contact connu avec un cas confirmé de variole du singe, de nature sexuelle pour 95 % des contacts. Quand le contact était connu, le temps médian d’apparition des symptômes s’établissait à six jours (entre trois et huit jours). « Beaucoup n’avaient pas de contact connu avec un cas. Cela signifie que très tôt, l’épidémie a échappé au contact tracing », souligne le Pr Peiffer-Smadja.
Des lésions cutanées avant tout génitales et périanales
Un trait caractéristique est par ailleurs la localisation génitale (54 %) et périanale (40 %) « prédominante » des lésions cutanées entraînant de fortes douleurs. « Ces formes sont globalement les plus compliquées à gérer », témoigne l’infectiologue, qui décrit des atteintes cutanées variées : rash, ulcère unique (chancre au niveau du pénis), forme pustuleuse généralisée, angine, ulcère pharyngé, papule, vésicule. « La forme typique avec des vésicules creusées type varicelle n’était finalement pas la plus fréquente », poursuit-il.
Le point original de l’étude concerne la description des formes sévères et des hospitalisations. « Contrairement aux épidémies précédentes, ce ne sont pas des sujets vulnérables qui ont les formes les plus graves, indique le Pr Peiffer-Smadja. Les 17 patients hospitalisés de l’étude étaient immunocompétents et en bonne santé. » Les formes sévères comprenaient des surinfections cutanées, des atteintes anales et digestives compliquées, de la dysphagie ou des atteintes ophtalmologiques.
Les complications ayant conduit à une hospitalisation relevaient principalement de surinfection bactérienne. « Six avaient des surinfections cutanées telles que des cellulites nécrosantes ou des abcès sous-cutanés, nécessitant une intervention chirurgicale pour quatre d'entre eux, quatre avaient un angor avec dysphagie, dont un nécessitait un drainage chirurgical, quatre avaient une atteinte anale ou colorectale sévère et deux avaient une atteinte ophtalmique », détaillent les auteurs.
Un effet de la vaccination encore à l’étude
L’étude ayant été menée avant l’accès au técovirimat (antiviral de référence), la prise en charge des 262 cas portait sur la gestion de la douleur, un enjeu essentiel notamment quand les atteintes étaient génitales ou anales, certains cas réclamant des morphiniques. Depuis l’introduction du técovirimat, les profils de patients pouvant en bénéficier ont été définis avec la Direction générale de la santé (DGS). Ces patients sont désormais suivis via la cohorte internationale Mosaic, soutenue par l'ANRS- Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) et coordonnée par le Pr Xavier Lescure de l’hôpital Bichat (AP-H), également co-auteur de l'étude.
Côté vaccination, seuls 12 % des sujets de l’étude avaient bénéficié d’une vaccination antivariolique, dont quatre cas avaient eu une vaccination post-exposition précoce avec le vaccin actuellement disponible, Imvanex. Si ces éléments sont insuffisants pour conclure, une autre étude, prépubliée sur « MedRxiv », rapporte 12 cas d’infection sur 276 individus exposés, malgré la vaccination post-exposition.
« Tous étaient bénins, indique le Pr Peiffer-Smadja, qui a également participé à cette étude. Ces cas sont survenus soit très précocement après la vaccination avec très probablement une injection post-exposition trop tardive, soit à distance de la vaccination, plus d’un mois après, chez des sujets qui n’avaient pas encore reçu le rappel. » Ces données sont ainsi « plutôt rassurantes » sur la vaccination, même si la protection offerte reste encore difficile à évaluer.
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