VHC, une affaire classée ?

Prise en charge thérapeutique : tout sur le 3D

Publié le 30/10/2014
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Crédit photo : PHANIE

On peut légitiment se demander si le VHC intéresse toujours les infectiologues tant, au décours de ce congrès de l’ICAAC, les travaux présentés en lien avec cette thématique semblaient peu nombreux. Seulement une vingtaine de communications orales ou affichées en lien avec les hépatites – B ou C – dont à peine la moitié concernait le traitement. Certes, il existe d’autres congrès dans lesquels la thématique de l’hépatite C est traitée, en particulier l’AASLD ou l’EASL, et il n’y avait peut-être plus grand-chose à dire à l’ICAAC qui ne l’ait déjà été (1).

Pour autant, parce qu’il est désormais urgent de faire connaître et apprécier les nouvelles molécules ou stratégies – tant la concurrence à venir s’avérera rude, les derniers arrivés auront peut être du mal à trouver « leur public » – plusieurs communications étaient consacrées à l’association 3D : ABT-450/r, ombitasvir et dasabuvir. L’ABT-450 est un inhibiteur NS3/4A, une antiprotéase, ici boosté par le ritonanvir. L’ombitasvir est un inhibiteur du NS5A, il inhibe le complexe de réplication, et le dasabuvir un inhibiteur du NS5B, il inhibe la polymérase.

Génotype 1

Cette triple association avec son booster a été évaluée, seule ou en association à la ribavirine, chez des patients infectés par un VHC de génotype 1. Pour mémoire, l’efficacité du 3D a déjà fait l’objet de présentations en d’autres lieux : étude SAPPHIRE I (naïf) et II (prétraité par une bithérapie standard). Elles montraient 96 % de RVR chez les patients sans cirrhose après 12 semaines de traitement, et 92 % chez ceux avec cirrhose après 12 à 24 semaines de traitement.

L’essai PEARL testait quant à lui l’efficacité du 3D, associé ou non à la ribavirine, pour une durée de traitement de 12 semaines (2). Tous les patients étaient infectés par un génotype 1b, aucun n’avait de cirrhose ni n’était co-infecté par le VIH. L’efficacité a été comparable dans les deux bras, avec une SVR à 12e semaine supérieure à 98 %. Lors de la discussion qui a suivi cette présentation, il a été rappelé que les résultats observés sur les souches de génotype 1b sont globalement meilleurs que sont observés avec celles de génotype 1a (qui sont alors plus proches de 93 %).

Concernant la tolérance du 3D associé à la ribavirine, sur 12 semaines, il est observé plus de céphalées (34 vs 30 %), de sensation de fatigue (34 vs 26 %), de nausées (22 vs 15 %), de prurit (16 vs 4 %), d’insomnie (14 vs 7 %), de diarrhée (13 vs 9 %) et de rash (10 vs 6 %), comparé au placebo (3). Une analyse sur les hyperbilirubinémies a montré que 2,5 % des patients ont présenté une hyperbilirubinémie de grade 3 et 0,1 % de grade 4, aucune n’ayant conduit à l’arrêt du traitement (4).

Co-infection

Chez les patients co-infectés par un VHC de génotype 1 et le VIH, les données extraites de l’étude Turquoise montrent l’efficacité du traitement (5). Il s’agissait de tester le 3D associé à la ribavirine pour une durée de 12 ou 24 semaines, chez 31 et 32 patients respectivement, tous contrôlés sur le plan VIH (sous traitement stable par Truvada + atazanavir ou raltgravir et avec un taux de CD4 +› 200/mm3). Dans le bras « 12 semaines », 96,8 % de réponse virologique ont été observées à la fin du traitement, 93,5 % 4 semaines plus tard (SVR 4) et 93,5 % de SVR à 12 semaines. Dans le bras « 24 semaines », 96,8 % de réponse virologique observée à la fin du traitement et 96 % de SVR 4 (donnée SVR non disponible). Il n’a pas été noté d’effet indésirable sévère ayant conduit à l’arrêt du traitement.

Interactions

Concernant les interactions potentielles entre le 3D et les antirétroviraux, deux études ont été présentées,réalisées chez le volontaire sain soumis à la prise conjointe des molécules testées pendant 14 jours (6, 7). Pour le Truvada et le raltégravir, l’utilisation concomitante de ces molécules est possible sans qu’il soit besoin d’ajustement de dose.

Pour la rilpivine et pour l’efavirenz, l’association est en revanche déconseillée : en cas d’association, la concentration de rilpivirine se voit augmentée tandis que, pour l’efavirenz, l’association conduit à une intolérance amenant les volontaires à devoir interrompre l’essai (vertiges, céphalées, nausées, vomissements et élévation des transaminases).

Du côté des antiprotéases, l’association à l’atazanavir ou au darunavir, tous deux boostés par le ritonavir, est possible sans qu’il soit besoin d’ajustement de dose. Mais l’association au lopinavir/ritonavir (Kaletra) conduit à une augmentation des concentrations du lopinavir.

Enfin, l’effet de la co-administration 3D avec un panel d’autres molécules a été testé et il en ressort essentiellement qu’il ne faut pas l’associer au gemfibrozil ou à la carbamézépine (8).

* CHU de Nancy

Communications de l’ICAAC 2014 :

(1) Lo Re Vincent III et al. New treatments for HCV: moving to an interferon free world. V-550

(2) Bernstein D et al. High SVR 12 rates in HCV genotype 1b-infected patients receiving ABT-450/r/ombitasvir and dasabuvir with or without ribavirin regardless of baseline characteristics. V-672

(3) Baykal T et al. Adverse event profile of the interferon-free all-oral abt-450/r/ombitasvir, dasabuvir, and ribavirin regimen in HCV patients. V-477

(4) Everson GT et al. Transient indirect bilirubin elevations associated with abt-450/r/ombitasvir and dasabuvir with ribavirin. V-478

(5) Eron J et al. TURQUOISE I : safety & efficacy of ABT-450/r/ombitasvir, dasabuvir and ribavirin in patients co-infected with HCV & HIV-1. V-673

(6) Khatri A et al. Drug-drug interactions of the direct acting antiviral regimen of ABT-450/r, ombitasvir and dasabuvir with emtricitabine + tenofovir, raltegravir, rilpivirine and efavirenz. V-483

(7) Khatri A et al. Drug-drug interactions of the direct acting antiviral regimen of ABT-450/r, ombitasvir and dasabuvir with hiv protease inhibitors. V-484

(8) Menon RM et al. Drug-drug interactions with direct acting antiviral combination therapy of abt-450/r, ombitasvir and dasabuvir. A-007

Pr Christian Rabaud*

Source : Congrès spécialiste