Mortalité péri-opératoire

Toujours des incertitudes

Publié le 30/11/2015
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Un auteur Anglais a chiffré à 4 % en Europe, la mortalité globale durant l’hospitalisation de quelque 46 000 patients récemment opérés (hors chirurgie cardiaque), dans une enquête publiée dans The Lancet en 2012. Un travail français - enquête SFAR - Inserm - publié en 2006 a montré que le taux de décès totalement imputable à l’anesthésie est de 0,69/100 000, mais il n’incluait que les complications de l’anesthésie et non l’impact de la gestion de l’anesthésie en elle-même. « On a longtemps cru que la mortalité périopératoire était surtout liée à la chirurgie et/ou au terrain, et que la stratégie anesthésique jouait un rôle mineur. Aujourd’hui, on se rend compte que la stratégie anesthésique est susceptible d’influencer la mortalité et, même s’il reste de nombreux points à préciser, on est au début d’une nouvelle ère. Malheureusement, alors que l’on commence à montrer que le pilotage de l’anesthésie nécessiterait la présence d’un anesthésiste à part entière, ce dernier s’occupe trop souvent de plusieurs salles à la fois », remarque le Pr Molliex.

Privilégier l’anesthésie locorégionale

Entre anesthésie générale et locorégionale, la seconde est privilégiée pour toute chirurgie très périphérique, a fortiori chez un patient présentant des comorbidités sévères. « L’utilisation d’une anesthésie neuro-axiale par rapport à l’anesthésie générale tend vers une baisse de la mortalité à 30 jours chez les patients à risque cardiaque intermédiaire ou élevé. Le recours à la péridurale en chirurgie thoracique ou en chirurgie viscérale, permet aussi de réduire les complications respiratoires en postopératoire. Enfin, dans la fracture du col, la mortalité n’est pasdifférente entre anesthésie rachidienne ou péridurale et anesthésie générale, mais la durée d’hospitalisation est un peu plus longue avec cette dernière », précise le Pr Molliex.

Le remplissage au cas par cas

«Pendant des années, on a considéré que le remplissage peropératoire pour des chirurgies lourdes et/ou à haut risque, évitait la chute du débit cardiaque, avant de faire marche arrière pour éviter des complications. Aujourd’hui, la stratégie est d’adapter le remplissage au cas par cas en se fiant à un paramètre comme le débit cardiaque ou le volume d’éjection systolique, via un monitorage : cette stratégie de personnalisation du remplissage impacte effectivement la morbidité et la mortalité à 30 jours des patients à haut risque », note le Pr Molliex.

Liens statistiques ou de causalité ?

Une anesthésie générale trop profonde peut-elle aussi influencer la mortalité ?

Différentes études rétrospectives suggèrent qu’une anesthésie trop profonde objectivée par un monitorage de l’activité EEG est bien associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité postopératoire à un an, mais il ne s’agit que d’un lien statistique et pas forcément un lien de causalité (cepeut être aussi un marqueur de la fragilité du patient). Pour tenter de répondre à cette question, une étude randomisée contrôlée est actuellement en cours en Nouvelle-Zélande et en Australie ; ses résultats seront connus d’ici 2 à 3 ans. Par ailleurs, de nouvelles analyses à partir des Big Data ont été réalisées et certaines montrent qu’en cas d’association de deux des trois facteurs suivants (ou triple low) - BIS bas et donc anesthésie trop profonde, concentration en agents anesthésiques basse et pression artérielle moyenne basse - il y a effectivement une augmentation de la mortalité postopératoire à un an. Cependant, une autre analyse datant de 2014 n’a pas retrouvé cet effet du triple low : les résultats sont donc contradictoires. « Pour tenter d’en savoir plus, une étude randomisée va tenter de corriger le triple low pour voir si cela a un impact sur la mortalité. En attendant, l’incertitude demeure », conclut le Pr Molliex.

D’après un entretien avec le Pr Serge Molliex, CHU St-Etienne.
Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan spécialiste