LE QUOTIDIEN : L’Afef s’est fortement engagée pour obtenir un élargissement des prescriptions des médicaments de l’hépatite C. Comment cette proposition est-elle accueillie par les tutelles ?
Pr CHRISTOPHE BUREAU : Aujourd’hui, ces molécules peuvent être prescrites seulement par les hépato-gastroentérologues, les infectiologues et les médecins internistes. Nous souhaitons qu’à l’avenir d’autres praticiens, en particulier les généralistes, puissent avoir le droit de délivrer ces traitements. Cette proposition a été bien accueillie par la direction générale de la Santé (DGS), qui a annoncé cet élargissement il y a quelques mois. Nous plaidons pour qu’il se fasse sans condition. Et on espère qu’il pourra intervenir au premier trimestre 2019.
Pour quelles raisons l’Afef souhaite-t-elle cet élargissement ?
C’est un pas important à franchir si on veut arriver à obtenir l’élimination de l’infection par le VHC. On peut rappeler que cette élimination est définie comme une diminution de 90 % des nouvelles infections, associée à une réduction de la mortalité liée au VHC de 65 %. L’OMS a fixé cet objectif à l’horizon 2030. Mais nous estimons, au sein de l’Afef, que cette élimination est possible avant 2025 en France. Pour y parvenir, il faut donner une nouvelle impulsion au dépistage en arrivant à toucher des personnes qui, aujourd’hui, ne se sentent pas concernées par cette infection. Et nous estimons que le fait de pouvoir prescrire les traitements sera, pour les médecins, une vraie motivation à s’engager dans le dépistage. On peut en effet concevoir que cela ne soit pas très motivant pour un généraliste d’identifier des cas d’infection parmi ces patients avant de devoir les adresser à un spécialiste.
Comment peut-on le relancer, ce dépistage ?
Ces dernières années, on a beaucoup communiqué sur les facteurs de risque (toxicomanie, antécédents de transfusion, tatouage, piercing…). Aujourd’hui, on estime qu’il reste encore 75 000 personnes en France qui sont infectées sans le savoir. Pour une bonne part, il s’agit de gens qui ont sans doute des facteurs de risque non identifiés ou non connus. Aujourd’hui, d’ailleurs, quand on voit en consultation un patient chez lequel on vient de découvrir l’infection, dans 30 % des cas, on n’arrive pas à identifier de facteur de risque.
Pour nous, l’enjeu, désormais, est de passer à une nouvelle étape en élaborant une communication, en direction des médecins et du grand public, dégagée des facteurs de risque classiques. Cela pourra faciliter la tâche des généralistes. Pour eux, le sujet de l’hépatite C n’est pas forcément facile à aborder lors d’une consultation lambda, avec un patient venu pour tout autre chose. Le patient peut se sentir stigmatisé, si on évoque la question de la toxicomanie, par exemple. C’est plus facile d’aborder le sujet en disant que tout le monde peut être concerné par l’hépatite C.
Cet élargissement peut-il vraiment permettre d’augmenter le nombre de patients traités ?
Oui, nous le pensons. À l’étranger, la prescription du traitement antiviral par tous les médecins a permis une augmentation significative du nombre de patients traités. Un autre frein a été levé récemment : les traitements antiviraux sont désormais disponibles en pharmacie de ville, ce qui permet de faciliter le parcours de soins des patients et participe à l’amélioration de la prise en charge de proximité.
Mais les traitements de l’hépatite C ne sont-ils pas complexes à manier pour des non-spécialistes ?
Non. Sur ce point, les choses ont beaucoup changé ces dernières années. Et, surtout, notre idée est que puissent se mettre en place deux types de parcours de soins. Le premier, simplifié, concernerait les nouveaux prescripteurs, tandis que le second, spécialisé, sera sous la responsabilité des prescripteurs actuels. Aujourd’hui, on fait le constat qu’une bonne partie des patients infectés par le VHC ne présentent pas de maladie hépatique sévère. Ces patients pourraient très bien être pris en charge par leur généraliste via un parcours simplifié, selon deux schémas thérapeutiques : le premier, un traitement de huit semaines avec trois comprimés par jour en une prise ; le second sur douze semaines avec la prise quotidienne d’un comprimé unique. En cas de co-infection VHB et/ou VIH, d’insuffisance rénale sévère, de comorbidité mal contrôlée, de traitement antiviral antérieur ou de suspicion de maladie hépatique sévère, le recours au parcours spécialisé est nécessaire.
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