Pourquoi un nouveau vaccin rotavirus ferait-il mieux dans les pays en développement que les deux précédents déjà disponibles ? Pour le Dr Emmanuel Baron, directeur d’Épicentre, le centre de recherche et d’épidémiologie affilié à Médecins sans Frontières (MSF), la raison en est simple. « Les deux vaccins existants, le Rotateq et le Rotarix, ont été développés par le Nord, pour le Nord. Même s’ils sont préqualifiés par l’OMS et subventionnés par le GAVI, ils se heurtent aux contraintes spécifiques du Sud, à commencer par la chaîne du froid. Là, l’idée était de penser, de concevoir et de développer un vaccin spécifiquement pour le Sud, du début à la fin ».
L’essai de phase 3, qui a été lancé en mai dernier au Niger dans la région de Maradi, soulève de grands espoirs. Menée depuis le début par Épicentre avec le soutien de MSF, l’étude a mobilisé par la suite d’autres partenaires, le Serum Institute of India, le Children’s Hospital de Cincinnati (Ohio) et le Ministère de la santé du Niger. La mortalité infantile par rotavirus reste préoccupante dans les pays en développement. La mise au point d’un vaccin plus adapté est un enjeu majeur pour la santé des populations. L’Inde a déjà relevé le défi en mettant au point un vaccin spécifique pour le pays, dénommé 116E, et produit par une entreprise nationale, la Barhat Biotech International avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates.
La dernière des 4 étapes
Le projet africain ne s’est pas monté en un jour. « La réflexion au sein d’Épicentre est menée depuis la fin des années 2000, à la façon d’une fusée à 4 étages, dont nous aurions aujourd’hui atteint le dernier pallier », explique le Dr Baron. La première étape a consisté à faire une revue de la littérature pour situer le problème de la vaccination contre le rotavirus en Afrique (1) ; la seconde à mener une enquête au Niger pour identifier le parcours des enfants qui présentent un épisode diarrhéique aigu (2). « Restent-ils au domicile, sont-ils conduits chez le guérisseur, au centre de santé, à l’hôpital ? Là, nous avons pu constater que près de 70 % des enfants de moins de 5 ans étaient amenés dans des centres de santé, à la fois pour les diarrhées graves et bénignes. Moins de 10 % des enfants étaient dirigés vers l’hôpital. Ce qui signifiait que les centres de santé pouvaient fournir des données informatives sur la situation sur place », souligne le directeur d’Épicentre.
Une souche émergente
Fortes de ce constat, les équipes ont étudié les souches virales présentes dans les coprocultures de 9 745 enfants de moins de 5 ans vus en centres de santé sur 2 ans (3). L’importance du rotavirus a été confirmée avec plus de 30 % des enfants positifs. Les souches spécifiques ont été précisées ainsi que les variations saisonnières et perannuelles au cours d’une surveillance de 2 ans. L’émergence de la souche G12, dont la G12P(8), a surpris par son ampleur, puisqu’elle a totalisé plus de 80 % des prélèvements au cours de la seconde année d’étude.
Pour la conception, un laboratoire indien produisant des vaccins génériques, le Serum Institute of India, a été mis à contribution. « Le cahier des charges comportait des directives claires. Il fallait mettre au point un vaccin centré sur les souches circulantes identifiées, moins contraignant pour la chaîne du froid, pouvant être stocké avec des volumes plus faibles et le tout pour un faible coût ». L’essai prévoit de tester le vaccin contre placebo chez 7 000 enfants avec 3 doses orales administrées à 6, 10 et 14 semaines de vie. Le critère de jugement sera le nombre de cas de diarrhées à rotavirus et non à rotavirus. Les premières données sont attendues d’ici 2015, avec une fin d’étude prévue début 2 016. Le projet, sous la responsabilité du Dr Rebecca Grais, mobilise sur place une centaine de personnes, avec un système de surveillance basé sur un quadrillage serré de la région. Si l’efficacité se confirme, l’essai de phase 3 est un mécanisme de préqualification pour l’OMS.
(1) Lancet Infect Dis 2009; 9:567-76 (2) Emerging Infectious Diseases, volume 20, n°4, avril 2014 (3) BMC Public Health 2011, 11:389
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