Au printemps dernier, à la sortie du premier confinement et en plein déclin de la première vague, les services de virologie, santé au travail et infectiologie du CHU de Toulouse ont cherché à mesurer la séroprévalence du virus SARS-CoV-2 parmi le personnel soignant fortement exposé au sein de l’hôpital. Leur travail vient d'être publié dans « Clinical Infectious Diseases ».
L’ensemble du personnel a donc été sollicité et 8 758 agents ont été dépistés entre le 10 juin et le 10 juillet 2020. « Parmi eux, 276 ont été identifiés positifs, soit 3 % de l’échantillon, parmi lesquels un tiers d’asymptomatiques », décrit Chloé Dimeglio, biostatisticienne au laboratoire de virologie du Pr Jacques Izopet au CHU de Toulouse et première autrice de l’étude. « Au-delà de cette "photographie", l’objectif de notre travail était de les suivre dans le temps, afin d’évaluer l’évolution du taux d’anticorps neutralisants parmi ces cas positifs », précise-t-elle. Entre le 30 novembre et le 30 décembre 2020, soit cinq à six mois plus tard, ces soignants ont été invités à se faire tester de nouveau.
Pas de lien entre symptômes et immunité acquise
Le second dépistage a montré que 96,7 % d’entre eux présentaient des taux d’anticorps stables ou en hausse, qu’ils aient eu ou non des symptômes. « Lors du premier dépistage en juin/juillet, nous avions montré que la concentration médiane en anticorps était de 16 ; six mois plus tard, elle était restée stable, et dans certains cas, elle avait même progressé jusqu’à 32, y compris chez les asymptomatiques », précise le Pr Izopet.
Il n’y aurait donc pas de lien entre symptomatologie et immunité acquise : les personnes infectées par le virus étaient encore protégées au bout de six mois, même si elles n’avaient ressenti aucun symptôme. Pour les auteurs, l'absence de décroissance des anticorps neutralisants, contrairement à ce qui a pu être observé précédemment, pourrait être due à « des réponses de rappel lors de la seconde vague ». Il reste qu'1,9 % des soignants avaient un taux d’anticorps plus faible, voire indétectable chez 1,4 % d’entre eux.
Au cours du suivi, les chercheurs toulousains ont évalué l’évolution des soignants dont la sérologie était initialement négative et scruté le taux éventuel de réinfection des cas positifs. « Nous avons enregistré 12,1 % de nouvelles infections à SARS-CoV-2 et seulement 1,8 % de réinfection, soit cinq cas au total », rapporte Chloé Dimeglio, précisant que là encore, il n’y a pas de lien entre symptomatologie, première et seconde infections.
Nouvelle évaluation en mars
Si l’étude n’a pas établi un taux de concentration minimum d’anticorps qui permettrait de ne plus être infecté, elle montre en tout cas un taux de protection élevé, de l'ordre de 84,6 %, selon les calculs des chercheurs. « C’est une très bonne nouvelle. Et le taux de protection vaccinal annoncé (95 % N.D.L.R.) pour les vaccins à ARN messager de Pfizer et Moderna est un peu au-dessus », explique la chercheuse. De même, pour les auteurs toulousains, les recommandations actuelles de la Haute Autorité de santé (HAS) d’attendre trois mois après une infection pour être vacciné semblent cohérentes.
Une autre question se pose à l’heure où l’on scrute la circulation des variants britannique, brésilien et sud-africain. Pourrions-nous compter sur une immunité croisée ? Il est un peu tôt pour le dire, selon le Pr Izopet. « Dans notre étude, parmi les cinq cas de réinfection, la caractérisation du virus n’a pas été possible car la charge virale était plus faible, détaille-t-il. Ce sera un aspect à observer dans les prochains mois, mais je pense qu’il faut relativiser sur la question des variants. Il semble déjà que le variant britannique n’ait pas de propension à conduire à l’échappement des vaccins à ARN messager ».
L’étude toulousaine va se poursuivre en 2021. « Une grande partie du personnel du CHU va être vaccinée, dans les prochaines semaines ou mois. Nous avons prévu de tester de nouveau la cohorte en mars prochain, avec une mesure d’anticorps prévue environ 15 jours après la seconde injection. L’intérêt sera de mesurer l’impact du vaccin tout en restant le plus pertinent possible », indique-t-il.
C Dimeglio et al, Clinical Infectious Diseases, 27 janvier 2021. doi.org/10.1093/cid/ciab069
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